29.3.10

Cap Vert / Paris

Captaingils c'est à la fois « moi » et (surtout) « pas moi »! Spectateur de ma vie sans éclats (et sans amours). Il y a, d'un coté, ce « marin », ce « Captaingils » pugnace, obstiné et, euh, pas trop chanceux (non je n'ai pas dit maladroit), et puis, de l'autre (coté), il y a « MonGilou », l'homme moderne et parisien la quarantaine bien tapée désormais (bordel de dieu je viens d'avoir 45 ans ! - mais qui m'a piqué mes 20 ans ?), qui regarde et profite, distancié, puis qui se marre (et pleure aussi) à conter les déboires, du mec « qu'en voulait » de « l'aventure maritime », puis qu' « en a eu » son lot, sa part, sa solde, sa pinte, son saoule … 

Ce jour là, le 15 Octobre 2009, de retour vers Paris, atterrissage à Bruxelles, fauché comme les blés, tout maigrelet, amibé du ventre et staphylocoqué du cul (non je rigole de la jambe seulement), sans appart' et sans lunettes, les dents de devant cassées (c'est moche mais d'une force!), c'était au tour de « MonGilou » d'assurer « le Quart », de reprendre « La Barre », de la vie, de la roue de la vie ...

Il fallait fissa objectif N°1 
« Reconstituer la caisse de bord »

Puis, en vrac:
Se refaire une petite santé (et des lunettes) et du poids
Remettre en ordre mes relations avec la « Société » et « l'Etat »:
Mon héritage tant envié de « petit français », du monde, privilégié 
Le sécurité sociale (La CMU), 
Les impôts (et les milliards qu'ils me demandent),
La banque (qui me suce de petits frais en « petit n'argent »),
Voir si il y avait moyen de négocier « kék'chose » avec l'ANPE (enfin pardon - Pôle emplois)
Et le RMI (enfin pardon – le RSA).
Et un téléphone
Voir les potes, faire la fête, raconter …
Bien manger.

Trouver du boulot ?

Faire vite parce qu'il y a Roxao qui attend, déjà !
Et le bateau, seul, enfin avec Joseph, au mouillage, là bas ...

Il faisait froid, à l'aéroport de Bruxelles. petites chaussures sans chaussettes. 
L'avion atterrit vers 20H00, transfert aéroport / Gare des bus en métro (5€!)
Arrivé à la « Gare du Midi », ferroviaire, en plein centre ville Bruxelles.
Où je trouverais les bureaux d'Euroline (Les bus européens)  
Où l'on m'accueille en souriant ! 
Premiers bus en partance pour Paris?
Demain matin 6H00. Merde il faut passer la nuit ici !
Le train c'est 95 € - L'avion de Sal / Bruxelles m'a couté 99 €
Le vol s'est très bien passé merci, via l'île de Boa Vista
www.Jetairfly.com pour ceux que ça intéresse 

Il faisait froid à Bruxelles
J'attendais le bus du matin, mes bagages à la consigne (4€)
Les heures coulent lentement, pétole, pilote automatique
Dans une gare ferroviaire, européenne, pluie glacée
Premiers regards, premiers saluts avec les hommes de la nuit,
Les sans abris, d'ici
C'est long, une nuit d'hiver, en Europe
Je m'allonge sur un banc rouge, propre, carrelé
Européen
Deux vigiles me réveillent, polis, tenue correcte exigée
Ne pas dormir, « debout et en avant », tourner en rond dans la gare
Taper la discute avec les gars d'ici, « misère »!
Se faire taper des clops !
Hey là, doucement les gars, je ne suis pas un richard moi !
Avec mon Yacht classique au Cap vert
Et mes transferts en avion pour aller trouver du travail vite fait
Mais qu'est ce que vous foutez bande de glands
« Carpe Diem », la vie elle est si belle, si facile !

Deux heures du matin, une horrible sonnette retenti dans la gare
« Doung Ding Doung » « Nous vous prions d'évacuer les lieux »
« Schnell » ça parle un peu allemand là bas … Il pleut !
C'est Bruxelles - centre ville – wallou d'chopine ouverte alentours
J'ai foutu mal au pied bâbord, staphylocoques là !

D'un coup, un coin, une rue, animée, allumée, dirais-je,
D'étranges néons rouges, ça rappelle Kuala Lumpur ou Amsterdam
C'est « ça » ! Magnifiques gounzesse, bien roulées et souriantes
Blanches et courtes vêtues sous lumières colorées, tamisées
Est-ce le froid ? Est-ce parce que grand moment de solitude ?
Coup au ventre, envie d'amour, enfin d'un corps, frisson du corps …
Je repasse trois fois devant ces jolies vitrines, avec mes yeux de myope
De toute façon, la bonne raison, y'a que ça à foutre
Ca faisait longtemps ! L'envie d'un autre (comprendre « d'une » autre) !
Russes ? D'autres esclaves de « ça » ?
Est que c'est le blanc qui me fait plus d'effet que le noir ? 
Pas d'argent, faire l'argent, pas payer ! Pas d'amour (enfin d'un corps)
Hey « MonGilou » si tu laissais une chance à ta sexualité, de vivre …
Parfois ...
D'un coup, j'ai encore plus froid, il n'est que trois heures du matin 
Quelque part, un troquet, ouvert, ouf, une bière, belge, une fois
Une hôtesse, moche, mais d'une force, exige un verre
Contre sa distinguée « discussion » 
Une étrange solitude urbaine m'envahit déjà !
Et on est loin de Paris encore, en Europe depuis moins de quatre heures
Je boirais ma bière belge, seul
Sur une triste table de formica écorné

Bruxelles / Paris, en Bus climatisé (et surtout chauffé), pour 22 €.
Départ à 6h00 du matin de Bruxelles, donc, arrivée vers Midi à Paris 

...

27.3.10

Et puis Paris

Je n'arrive plus à écrire.
Et puis je m'endors sur ce pauvre poème sans fin, sans but ...
Alors je le publie pour m'en débarrasser l'esprit
De "lard" de ne rien dire


« L'homme voyageur » revenait, fatigué, voir sa mère, son ultime chaumière,
« L'homme de mer », auquel il commençait peu à peu à s'identifier, s'esclaffait.
Il repensait à son combat trois ans durant, à bord, pour économiser quelques ampères,
Ici, sur les derniers arbres centenaires, guirlandes et fontaines de lumières ruisselaient.
Ces colosses aux racines engoncées de goudron, aux troncs cerclés de fer, éphémères
Comme des esclaves survivants de bien des guerres, à la folie des temps se pliaient

C'était là le temps du vieil « Homme Noël », débauches d'énergies, Paris-Lumières
L'« Homme des villes » célébrait l'un de ses dernier mage sorcier, la cité s'illuminait
Délire mercantile, l'argent coulait à flot, frénésie de cadeaux familiers, éphémères
Dans sa hotte à crédit l'on trouvait les tout derniers gadgets de la science délétère
Modernité électronique, la drogue nouvelle de l'« Homme Machine » hébété


Paris lumières donc, illuminé, sans crottes de chiens, ville propre aseptisée régulée,
L'« Homme neuf » y vivait en apesanteur, s'enivrant de sa puissance sur la matière
Ses pieds d'hier refusaient désormais de fouler la glaise humaine,
Le sol de terre et de poussière s'effaçait
Il se riait de l'age de pierre, s'essoufflait de l'age de béton,
L'age du verre s'affranchissait de l'age du fer
Il cherchait une sorte de transparence,
Dans l'air vicié, pollué par ses machines
La ville lançait ses maisons au ciel,
Ses toits se coiffaient d'étranges chapeaux, de nuages, artificiels

La ville respectait la loi de la machine,
Comment autrement contrôler une telle complexité

Ce nouvel « Homme de peine » convertissait les spasmes de l'ordinateur
En langage compréhensible pour l' « Homme Ordinaire »
Car les machines détenaient désormais l'ordre, la norme, la loi, la vérité
La parole et la raison des « Hommes Nouveaux » y semblait figée, pétrifiée
L'offre créait la demande, et la demande débordait de silence

Et, pendant ce temps, les « Hommes Enfants » s'éduquaient seuls,
Les machines s'occupaient de leur forger l'âme, nouvelle « spiritualité »
Ils jouaient désormais à des jeux si violents, si complexes, si sophistiqués
Où tuer n'implique rien, sans se soucier de la vraie vie, gorgés de virtualité
Les règles des « hommes anciens » se perdaient dans les profondeurs siliconées, binaires
Jeux magiques, électroniques, qui méprisent la mécanique,
Le sens du rouage s'oubliait, l'essence des sentiments sautillait

Les « Hommes femmes », ivres de cette liberté enfin acquise, solitaires,
Jouaient de leur pouvoir d'aimer et de dés-aimer, d'humilier « l'homme amant »
Délaissant rubans et toilettes pour commander, ordonner

L' « Homme progrès » ne chassait plus, sauf l'argent …
L' « Homme éprouvette » définissait l' « Homme modèle », le bébé symbiose
Et l' « Homme médecin » parlait de morts nouvelles, étranges et étrangères
Emplissant les âmes de virus mutants assoiffés, de vaccins indispensables
Il édictait, de nouveaux interdits et tabous, à vivre, au nom de la santé,

L' « Homme Neuf » lui ne contrôlait plus son cœur,
Il évoluait au rythme des machines empli d'informations carnassières
A rebours de la vieille loi des anciens, de la foi en de vieux dieux
Il vivait de la sueur des jours et des nuits artificielles
Sans jamais voir le ciel et ses étoiles
Sans jamais se préoccuper des cycles de la lune
Crépuscules en réverbères, simulacre d'une nature absente

Et l'« Homme à plat » dans sa boite écran décidait désormais ce qu'il fallait penser

11.3.10

Ils ont tué ma Roxao !


Adieu ma Roxao
Adieu, ma double trinquette, ma princesse, ma bebelle




Ainsi donc voici presque quatre mois que je n'ai pas complété ce fumeux « journal de bord de Captaingils ». Désolé, pour ceux qui tente de suivre cette cahotique épopée en « direct live », mais je n'arrivais plus du tout à écrire. Faut comprendre, juste j'avais l'âme en feu, en haine, en sang … 
Et quand je suis dans cet état là, je sais, c'est mieux, que je ferme ma gueule.

Roxane est morte !
Ils ont tué ma Roxao, quand j'étais à Paris, 
Je hais la mort, je hais la vie …

Waouh ! Expression locale sénégalaise ! Parce que oui, là, de suite, à l'heure où j'entame la rédaction de ce texte (08/03/2010), je suis revenu à Dakar, avec l'Atao, mais, et donc, sans ma fidèle Roxao … Aujourd'hui, cela fera presque trois mois qu'elle est « passée », qu'elle a trépassé, qu'elle n'appartient plus qu'au passé …
Et moi toujours encore, je regarde, ahuri, mes tripes, par terre, au sol. 
Pour les gens, les autres, je fais semblant que « même pas mal », que tout est normal, mais là en moi, il est comme un feu, qui n'est pas de joie ...
Est t'elle morte d'amour ? Ou par accident ? Ou par négligence? Ou d'une infection, comme « ils » le prétendent ? Je ne le saurais jamais. 
Responsable, culpabilité ! Tu l'as abandonnée, elle en est morte. Un mois! Rien qu'un petit mois d'absence, et « pof », sans moi, elle a crevé ! Mais non, non, non !!! 

Et la vie continue, et Captaingils enchaine ses petites galères quotidiennes. Toujours le « gros lot » de malchances, d'avaries, mais cette fois je crois qu'il encaisse de plus en plus mal, le captaingils.

Mais vous vous allez bien rire ...

Alors écrire ? Décrire ces quatre mois, enfin presque quatre mois, les résumer « Taf taf » comme ils disent ici au sénégal, pour décrire un acte « vite fait », si c'est possible de faire quelque chose de  « vite fait », ici … Pour moi j'ai l'impression d'avoir vécu trois vies (Paris, Sal, Dakar), l'impression que je pourrais écrire à l'infini sur chacune d'elle, trois petites histoires, trois étranges tranches de vies, et aucune qui soit jolie, jolie !
Trois vies, mais surtout une mort, brulante ….

Et vous, vous avez fait quoi, de votre vie, ces quatre derniers mois?

Ma Roxao tu me manques, à la folie … Captaingils vient de perdre son équipière, une partie de sa vie, à bord, au port, ouaip, pour toujours. Il n'y a pas moyen d'y revenir.
Quel intérêt de l'écrire ? 
C'est la vie, la mort, vous comprendrez ... J'ai pleuré, je pleure encore, vous savez !
Oui, je sais, rien à voir avec « voiles et voiliers », ces jérémiades.
Mais mon pauvre Gilles, oublie ces hargneux voileux qui te lisent.
Injuste, plusieurs sont sympas avec toi, ils te soutiennent et t'encouragent ...
Ecrire … Journal de bord ? Journal douleurs ? Journal intime ? 
Quelle est la part de dieu ? Et celle de diable ?  
Ecrire pour qui, pour moi, pour quoi, pourquoi et dans quel sens ?



« 26 000 » connexions sur ce foutu blog. Ecrire n'est pas gratuit. 
« Mais Gilles, 26 000 lecteurs, c'est quatre fois la population de l'île de Sal » s 'exlamait innocement l'un de mes potes Capverdien.  Cette petite remarque m'a étonnement frappée. Putain c'est vrai que ça en fait « du monde » ! « 26 000 » fois l'occasion de me rendre ridicule! 
« 52 000 » yeux au dessus de mes épaules quand j'écris ces mots !
Ca pèse combien « 52 000 » yeux, d'hommes, en kilos (drôle de question) ?
Drôle de voyage solitaire trouvez pas ?

Non Gilles, non, tu n'étais pas solitaire, enfin « marin solitaire », jusqu'à ce jour.
Roxao était là, elle était avec toi, elle était la vie

Crever l'abcés, impossible de reprendre le fil du journal sans commencer, par gueuler, un bon coup, à hurler comme un dingue, à pleurer des larmes d'encre, triste oraison pour ma Roxao. 
Zappez, là aussi, mais moi, là, il faut que je pousse : 


Comme un cri

Solitude soudaine, trouble, éphémère comme un Cri
Un Cri assassin, sourd, gourd, lourd qui s'enfle et s'élève
Un Cri abasourdi, silencieux et acide, un cri qui s'écrit
Un Cri solitaire qui s'écrase sur la grève de mon rêve

Je me hurle à moi même quand je dédie, délie, décris ce Cri
Craquant, claquant, clamant, une sorte de prière, routinière
Une ritournelle sans matière ni manières, sans vie ni envies
Un sain Cri sot cynique pour expulser l'exigeante douleur d'hier

Un cri cru et cruel pour croquer la peur, réelle, de demain
Un Cri gratuit : ni Cri crainte, ni Cri colère, ni Cri chagrin,
Juste cracher un grand Cri, comme un crétin, au petit matin
Et bien, comment dire, merde, voilà c'est ça : ça fait du bien



Roxane, ma petite chienne, est morte, là bas, à Sal, toute seule … Enfin non pas toute seule mais sans moi ! Cette fois ci, c'est fini, pour de bon, Roxao ne m'a pas attendu … 
C'était Mon chien, Ma chienne, ma mascotte, ma matelote, ma double trinquette (elle avait deux belles et grandes oreilles pointues ma pépète), mon compagnon depuis 12 ans, ma « parisienne », que je l'appelais, quand elle faisait sa coquette.
Juste donc, c'est ça, c'est cru, c'est là, ma Roxao est morte. Morte juste un mois après mon départ, de Sal. Et donc moi, qui reste, « j'ai mal, au cul », comme on dit, de nos jours ! 

J'étais parti à Paris pour tenter de trouver à l'arrachée du « Bon Argent », sans elle
Je ne pouvais pas l'emmener, « nous offrir » un billet d'avion, pour elle.
Et puis il y a eu cet appel succinct, c'était le lendemain de Noël
Décidément je n'aime pas du tout cette date, ce Noël, 
Froid, neige, frissons et solitude à Paris, ville illuminée, eternelle ... 
Donc il y a eu ce vicilard appel, ce « coup de téléphone » cruel
Qui te balance, par inadvertance, dans un autre monde, parallèlle

Pathétique, électrique, acide, nauséeux.
En quatre mots donc voici que l'on m'annonce que:
« TON CHIEN EST MORT». 

Ma Roxane est morte , toute raide, toute froide, au Cap Vert !
Ca tombe comme ça, c'est là, dans le ventre, la présence mort, l'abscence …
La mort c'est irréparable, ça ! Irrémédiable ! Diable
Et voilà, c'est ma vie en bascule, en quelque sorte …
Elle ne sera plus jamais la même, c'est sûr, ma petite croisière,
J'ai perdu ma petite équipière.


Roxane, je l'avais confiée à Joseph, un Capverdien beau gosse de Santo Antao, le temps de mon abscence à Paris. Ils s'entendaient bien, Roxao et lui, ils étaient copains. Enfin je le croyais, je me suis trompé, et elle morte…  Et puis il y avait Loïc aussi, un français, qui était censé veiller au grain, pour Roxao, et pour mon bateau (j'y reviendrais, plus tard, sur l'état dans lequel j'ai retrouvé mon pauvre Atao à mon retour – moteur serré, par exemple, entre autre dégats, histoire de vous « mettre en bouche »).
Joseph était le « collègue » « indigène » de confiance et de référence de Loïc (installé là, par la force des choses, il y avait coulé son voilier en ferro ciment, depuis presque un an). Ils travaillaient et vivaient ensemble, la pêche, les fêtes, la bouffe, la vie au Cap Vert, au quotidien. Il y avait eu un moment magique là bas, à Sal, magie du voyage, de bons potes marins, capverdiens, une bonne ambiance, vacances, por une fois (après mon chantier de calfatage). Nous avions convenu que Joseph, en copain, dormirait à bord de l'Atao, pour que ma pépète, mon chien-chien, garde tous ses repères de vie, la place de sa gamelle, son équipet niche, en mon absence ….
Mais Loïc est rentré en France 15 jours après moi, pour raisons médicales, enfin je crois ! D'un coup Joseph s'est retrouvé tout seul, pour garder mon bateau et mon chien, et deux autres bateaux aussi, sans patron pour le surveiller lui … Pauvre Joseph livré à lui même : il a fait que des conneries. Quinze jours après le départ de Loïc, sous sa « bonne » garde, ma brave Roxao, ma princesse, ma bebelle « l'a crevé », comme un chien, anonyme ...

Il pétait la forme mon chien, avant de partir … Plusieurs témoin l'ont vu, la veille, au soir, en parfaite santé. Mais putain de bordel de merde que s'est t'il passé ? Joseph prétend que Roxao est morte, naturellement, en une nuit. Qu'un soir elle aurait refusé de s'alimenter, et qu'au petit matin il l'a retrouvée morte, couchée sur le sol du carré de l'Atao, un peu de bave à la gueule.

Je ne peux pas y croire ! Justement quand je ne suis pas là, sa première intoxication alimentaire, après 12 ans de vie commune elle avait tout digéré ce que je lui avait donné ? Mais qui, mais quoi, mais comment ? Je ne saurais jamais ! Et puis quelle importance de savoir comment ou pourquoi, finalement, c'est fait ! Juste « Ce » n'est plus ! Il faut apprendre à gérer, le manque …

Pas d'adieu larmoyant, pas de caresse ultime, pas de corps froid à enterrer.

Je me sens tout nu sans elle. A chaque instant je me surprends, par réflexe, à la chercher. « Pfuitt – Pfuitt », je la siffle souvent, en silence. «  T'étais où ma Roxao ? ». Puis je sais, je me souviens, et mon âme se vide, mon cœur à sec, mal de bide !!! 

Un os de poulet, ou une croute de fromage dans le fond de mon assiette et me revoici avec la nausée plein la gorge, le repas gaché … Roxane adorait le poulet, et ses seuls vols de bouffe de sa vie, deux ou trois fois, concernait de vieux croutons de fromages trops tentant … Ce que j'adorerais aujourd'hui voir disparaître quelques petites croutes de fromages.

Roxao a disparu … Hey, Roxao, t'étais où ma toute belle ? 
Reviens, reviens vite ma princesse, reviens là, s'il te plais
Z'avez pas vu ma Roxao ?



Mais, non, non, c'est définitif, deux mois et cinq jours, c'était trop long toi 
Moi je suis revenu, j'ai respecté ma part de contrat, tu sais
Pardon, pardonne moi mon petit chien, je voulais juste chercher de quoi remplir la gamelle ....

Roxao et les copains bizarres de la mer



Je suis revenu, à Sal, île du Cap Vert, que je déteste, désormais !
Elle m'a tué ma « coupine », ma Roxao, cette foutue sale petite île !
Roxao git sous un petit tas de sa terre, son sel, son sable et à jamais,
Dessus le trou, dessus le tas, ils z'y on mis une croix, les imbéciles
Croyant me faire plaisir ! Bon dieu que les Capverdiens sont niais

Elle était ma dernière part de tendresse, ses yeux d'amour jaunes toujours présents
Elle était mon témoin, elle savait d'où nous venions, qui nous étions
Mon studio à Paris pendant huit ans, a été son seul univers
10 minutes pipi le matin place des Saint Agustin, puis un pipi le soir, 
La laisse au cou, les crottes dans le caniveaux, à guetter les inspecteurs parisiens 
Puis la liberté peu à peu acquise, avec l'Atao, La Rochelle, puis Marans 
Et les premières navigations, ces longs moments avec le patron en haute mer
Par tous les temps, si je sortais, sur le pont, elle m'accompagnait
Elles faisait parti des manoeuvres, même quand ça piaulait, en expert
Empanage, virement de bord, et autres manoeuvres de nuit que je deteste
Elle guettait, se faufilait, toujours au harnais, à surveiller chacun de mes gestes
Puis les nouvelles terres enfin abordées, les nouveaux copains … 
Une chouette vie de chien qu'elle avait, à la fin, je crois ! 
Pas agressive pour deux sous, elle savait se faire dorloter par tous ! 
La reine des papouilles. Elle était, oui je crois, vraiment sympa ma Roxao.
Présence discrète, avec elle je n'étais pas vraiment « marin solitaire »,
Roxao était là, Roxao c'était « de la vie » ou « la vie » à bord en partage

Roxao est morte, depuis presque trois mois déjà  … 
Reprendre, vivre, écrire, naviguer ?  

Comment expliquer ? 




Ouvre l'oeil ma bebelle, veille au grain
Où que tu sois, un jour il faudra bien que je te rejoigne








...