6.4.09


18/01 Au mouillage à Sal (Archipel du Cap Vert)
Vent Nord Est 20 nœuds – Ciel couvert (fait froid !!!)
Nord 16° 45' 111’’ - Ouest 22° 58' 784’’

Vérification numéro un, ça va, l’ancre a bien crochée, pas de dérive « sauvage » durant la nuit, pourtant avec ce vent l’Atao se rebiffe fort contre sa chaîne …

Dormi comme un bébé durant presque 11h00 d’affilé. Ouf saine fatigue, saint sommeil …
Ne pas perdre l’habitude de prendre des notes, je commence presque à y prendre plaisir, et cette fois plus aucune excuse le voyage a réellement débuté … Capo Verde, me voici, me voilà …

Pour la première fois de ma vie me voici « à l’étranger » sans avoir à me préoccuper, et à solliciter à l’autochtone, un lit pour la nuit, autonomie chérie. « Vivre dans et de son sac à dos », c’était l’objectif de tout se ramdam après tout … Bon mais qu’est ce qu’on fait, en « itinérance », sans avoir à se soucier de ça ?

Bon pas trop de « bla bla » tout de même ce matin Mon Gilou, quelques méga urgence à gérer me semble t’il :

Gonfler l’annexe, la mettre à l’eau avec une drisse et y fixer ce scrongneugneu de moteur 8 Cv qui pèse des tonnes, reste quelques gouttes de mélange dans le réservoir …

Trouver une banque et de l’argent « local ». Il me reste en tout et pour tout 1000 € en « chèques voyages », point barre. Ma carte bleue est fichue, pliée, périmée, rien à en tirer … Et tient un bifton de 50 € tout de même en poche …

Recharger (faire recharger) mes batteries de servitude – La voie d’eau est toujours belle et bien présente, glougloutante (bon là ok j’exagère un peu). Il me faut du jus pour évacuer ça (et physiquement, pour quelques jours je crois, du jus j’en aurais pas trop, contre coup physique …

Trouver « fissa » du câble et des serres câbles costauds afin de stabiliser le mât. Sans voile pour l’appuyer au vent, avec ce « mouillage » cahotant et ces belles rafales de vent il m’inquiète encore … Et puis, si l’ancre dérapait ? Il faut impérativement que je me soucie de retrouver un minimum d’autonomie de déplacement …

Comprendre et réaliser les formalités d’entrées douanières obligatoires pour officialiser mon entrée dans ce bel archipel du Cap Vert. De ce que j’en lis ça rique d’être bien « sportif » comme entrée en matière …

Trouver de la « bectance » fraîche, du vrai manger. Et boire un bon petit coup à la santé de mon bon « Neptune le tolérant », l’a bien mérité que je respecte, pour une fois, l’une de ses traditions marine, dusse t’elle se passer à terre …)

Et des piles, de l’huile de paraffine pour la lumière. Et du tabac bordel de …



19/01 Sal au petit matin

Sommeil cassé, haché et bien secoué. Pire qu’une bouteille d’Orangina l’Atao sur ce mouillage.
Pourtant la journée d’hier a été bien longue et bien remplie. En résumé ?

Une fois que l’annexe fut en état de naviguer, j’ai fait un petit stop sur le bateau voisin dont le jeune capitaine, d’une trentaine d’années tout de même, avait un bouille bien avenante … « Firmin » de son prénom, « Basque espagnol » de « nationalité » déclarée, propriétaire d’un tout jeune chiot turbulent qui a subit les assauts de ma Roxao surexcitée par 12 jours de solitude … Café, clop (yeeesss) et petit debriefing sur les premiers usages du coin … Super sympa, il me prête 1 100 escudos Capverdien (soit la valeur de 10 € « français ») pour m’aider dans mes premiers pas ici bas …

Et nous voilà donc, ma mascotte et moi même, fins prêts pour aborder le petit village de Palmeira … A l’arrivée sur la plage, trois ou quatre gars m’offrent spontanément la main pour hisser mon annexe à l’abris de la marée montante. « Bom dia – todo Bom » …

Archhh, la première gorgée de bière n(nous serons donc « Superbock » dans les parages ...).
Cigarettes ! J’en fume cinq d’affilé, béatement (tout en m’en faisant taxer 4) ... Déjà les bonnes vieilles habitudes terriennes qui me reprennent …

Je reste là, un peu hagard, sur la terrasse d’un petit café paillote … Une drôle de voix éraillée susurre une étrange mélodie douce à la radio, premier contact avec « Saudade » ???

Une dizaine de chiens pouilleux reniflent ma Roxao sous toutes les coutures. Elle ne fait pas la fière, mais « socialement »elle s’en tire sans écorchure … Voire même assez rapidement elle retrouve ses marques de chienne chieuse patronnesse et mène sa petite bande par le bout de la truffe. Et que je te « wouwouwou » en veux tu en voilà en quémandant caresses auprès d’une population « indigène » pas franchement rassurée. Faut dire que par ici, vu, euh, la qualité du poil des chiens, c’est pas le genre à donner envie de trop de les « papouiller mon cheri », de peur d’attraper la gale ou une puce grosse comme une cigale, si vous voyez ce que je veux dire. Bref va falloir penser à « goutter » ma bête ce soir contre bestioles en tout genre, pas envie d’infester mon bateau moi …

Quant à son patron de capitaine, ben … Ca flotte … Même pas le mal de terre, sol stable sous les panards. « Y peux faire le fier le coco maintenant qu’il a les deux pieds sur terre, mais rappelle toi mon petit père rien qu’d’hier » …

La terrasse est noire de monde (uh uh trop facile). Pas un qui boive quoi que ce soit, avec ma bière je suis le seul consommateur !!! Je suis là, j’y suis, j’attends et maintenant ?

Toujours ce vent 25 à 30 nœuds, sifflant … Cette appréhension qui me travaille déjà en pensant à mon bateau livré à lui même, là bas, tout au fond de la baie, près de cette plage de cailloux bien pointus, et ces déferlantes hargneuses …

Une heure coule, contemplative …
Puis un vieux black en salopette orange passe devant moi. Il pousse deux vieilles batteries dans un brouette. Chance !!! Je me remue et le branche dans mon portugais balbutiant sur les miennes, de batteries … Et là s’enclenchent mes premières salamalecs à l’africaine … On me dirige sur un premier gars, puis sur son chef puis sur son cousin, puis … J’ai du mal à suivre … En fait je fini par comprendre qu’aujourd’hui on est Dimanche, que ça ne va pas être bien facile. Après une bonne heure de différentes visites dans le petit village de Palmeira, l’on me promet que (contre 5€) l’on va m’envoyer une barque de pécheur récupérer mes trois batteries et quelles seront rechargées demain matin … Terrible !

Je retourne en vitesse à mon bord pour les extirper de leurs gangues de fils, et j’attends … Une heure, deux heures passent … Mon premier « Rendez vous » à l’africaine, personne ne viendra …

Vers 18H00, un peu avant la tombée de la nuit, je retourne à terre en annexe avec une batterie. Tout est désormais fermé au village, mais qu’est ce que c’est que ce bled ? Je fini par me débarrasser d’elle chez Zidane, un « taxi boat man » qui, d’après Firmin, est de toute confiance et travaille souvent avec les plaisanciers … Je la porte jusqu’à chez lui, au mons je sais désormais où ce monsieur Zidane habite …

C’est Dimanche, une fête se prépare … C’est la « boite de nuit » le Capricorne qui assume la Sono, musique à tue tête qu’on entend du fin fond du village. Encore trois ou quatre bières et deux grogs ou cortado (le Rhum local …) – les derniers je le jure, juste histoire de lier connaissance avec l’autochtone, et pour goûter quand même … A terre l’alcool, le grog, coule à flot. Regards un peu hagards de la majorité des hommes, regards sensuels quelques peu appuyés des quelques chicas présentes … Sono mondiale à fond la caisse, une sorte de Zouk Techno Salsa très rythmée … Après 12 jours de solitude aquatique, ce retour à la civilisation, à l’humanité en fête c’est un peu … Bruyant je dirais …
Je danse un peu, je erre en ville (enfin en village) … Pas faire le con mon Gilou, garder les pieds sur terre, ne pas perdre la tête !!! Prise de contact uniquement … Prémices de l’Afrique, aucune agressivité envers moi ou entre eux, tout ceci semble « Bon enfant » …
A 300 mètres de la boite de nuit un autre rassemblement, une chorale, bien plus évangélique et bourgeoise comme assemblée… Une autre communauté existe là !!!
Il y a un Max, un pécheur local, qui se décrète mon guide … Pourquoi pas après tout ! Il enchaine grog sur grog et me traîne de petits « bars » en « boui boui » de terre battue. La musique à fond partout, salles bondées, ambiance de port, de marins et de filles à marins … Les salles sont bondées à craquer, une ampoule dénudée, quelques bancs bancals, une ou deux chaises plastiques pour tout mobilier, le bar c’est une table en formica et un congélateur … Dans les rues un peu sombres d’étranges brochettes cuisent dans d’énormes demis bidons à fuel convertis en barbecue … Africa …

Population très métissée « Cap verdienne » : cuivrée, café au lait, noir profond, quelques rares blancs … Tous des « expatriés » des autres îles du Cap Vert, la population de Sal s’est multipliée par 10 en moins de 10 ans, grâce à l’aéroport international et au tourisme, beaucoup de jeunes de moins de 20 ans … Je danse encore un peu je suis … Cool, un peu saoul … On m’offre des verres de partout, la soirée s’emballe, les chicas me serrent de près flairant le bon pépère toubab et un joli coup de fric à venir …

Une heure du mat’, ouh là là, ça commence à devenir chaud bouillant cette soirée, c’est l’heure de rentrer … Retour à la plage, mon annexe est toujours là, pas volée, pas envolée avec la marée, amarrée à un genre de Tamarinier bien piquant … Je la hale difficilement à l’eau (sable mou, putain de moteur 8 Cv) et retour paisible sur l’Atao, dans le noir un peu au pif, avec toujours ce vent omniprésent de 20 à 25 nœuds. Ce ne serait pas le moment d’avoir une panne de moteur d’annexe, où me retrouverais je demain matin ?

J’y suis, nous y sommes (avec Roxao) qui m’attendait à bord … Toujours sans électricité, je me cuisine dans la pénombre de la lampe à pétrole un succulent « Saucisses en boite et riz » et lait chocolaté pour me remettre …

Quel tintamarre après 12 jours de mer !!!



20/01 Sal le matin

Réveil fainéant, toujours ce vent …
Difficile « d’abandonner le navire » après mon expérience à Madère. Sans moteur en soutien, une chaîne qui rompt et c’est tout de suite la fin de l’aventure … Je suis vraiment mouillé tout près de la côte au vent, les vagues s’écrasent rudement sur la plage, impressionnant …

Traiter l’urgence, première mesure des haubans à remplacer, le mât n’est toujours pas stabilisé, même sans voiles, l’absence de câbles m’inquiète …
Puis embarquer une batterie supplémentaire dans l’annexe, préparer mon sac à dos avec l’ordi, l’appareil photo, le téléphone et les différents chargeurs correspondants dans des sacs étanches (l’arrivée en annexe est un peu sportive) … Le passeport et le livret de bord pour les formalités douanières, les chéques voyages pour la banque … Vérification des fonds de cales (encore 120 litres en 12 heures, ça ne se calme pas beaucoup),, petit balayage rangement matinal, téléphoner « à la mère », texto aux potes de la Goméra … La routine du bateau quoi … L’heure passe, je n’ai déjà plus le temps de me rendre à « Espargos » (littéralement la ville aux asperges), la capitale administrative de l’île où je suis censé trouver des banques.

A terre je transbahute ma batterie au garage local. Je passe une heure à retrouver « Zidane » et récupérer ma première batterie et l’amener « à dos d’homme » à l’autre bout du village. C’est lourd une batterie marine … Rdv est pris pour le lendemain afin d’en récupérer une première. Demain c’est Byzance électricité à bord … Le mécano du garage se propose de venir avec moi demain pour écouter mon moteur …Impossible de comprendre, de savoir, si éventuellement il dispose de pièces détachées de 405 Peugeot pour assumer la réparation … On verra bien, chaque choses en son temps …

Puis détour par une (la seule) grande surface locale de « construcao », SOCOL, pour voir si ils disposent de câbles inox en 10 Mm afin de remplacer mes haubans… Ils n’ont que du 8 Mm qu’ils ne peuvent sertir (faire la boucle ) à, ouch, 5000 escudos le mètre (5€) ... Uniquement pour remplacer ce qui est cassé, il me faut deux bas haubans de 8 mètres et un Gal Haubans de 13 mètres + au moins 18 serres cables + 8 Œillets inox – peut être un câble de 8 mètres en sécurité (va bien y en avoir un autre qui va me lâcher) … Soit un total approximatif de 350 € rien que pour ce petit binz là … Chaud … Et ce n’est que du 8 Mm …

Chaque dépense me devient odieuse. Chacune d’elle représente la fin du voyage, le retour en France. Horrible d’être arrivé jusqu’ici et de ne pouvoir m’offrir une simple location de véhicule pour visiter un île de 30 Km de long … Et les salinas de Pedra de Lume, la ville balnéaire de Santa Maria ?? J’en aurais donc autant chié pour venir jusqu’ici pour finalement ne rien voir du Cap Vert faute de moyens ???

Petit restau local où je paierais 800 escudos (8€) un maigre rajout de viande, du bœuf je crois, « à l’estufada », cher le Cap Vert … Déballage du matériel informatique. C’est pour ça quej’ai choisi ce restaurant « de luxe », l’accès à l’électricité …

Et là coup au cœur, rien ne se passe … Malgré toutes mes précautions (2 sacs plastiques, sacoche, équipet à priori sec) mon ordi portable a pris l’eau lors de ma traversée … Il est foutu, niqué, trempé … Le courant ne passe plus, comme une tâche noire sur l’écran … Et comme un vide soudain dans mon cœur … Un ordinateur c’est un bon compagnon pour meubler mon quotidien (et mes nuits) de navigateur solitaire, pour occuper ma solitude …
Aux ports je visionnais des films, là je voulais recopier vite fait bien fait mon cahier, decharger la carte mémoire de mon appareil photo, les traiter les archiver … Et bien ce petit jeu est fini, plus d’ordi, plus rien, plus de connections à internet, plus de météo … Plus de bouquins, plus que ce petit cahier quadrillé pour meubler ma solitude, chier chier chier …

Je passe rapidement au café internet à 3€ de l’heure. Pas un mail, pas un mot des copains. Quelques uns me convient automatiquement à visionner leur « face book » , c’est quoi c’te nouvelle mode, amitiés virtuelles …

Je rentre au port, regards appuyés des chicas de la veille, je zappe c’est pas mon truc… Conversations un peu creuses avec les « équipages » des plaisanciers à Palmeira, amours factices et amitiés factuelles tel est ma vie choisie.

Pour la première fois depuis l’achat de l’Atao, la solitude me pèse chouya ce soir. J’aurais voulu partager la fierté d’être arrivé là, partager les emmerdes … Roxao qui sent ma detresse.se colle à moi. Pas gai ce soir, ça ira mieux demain, j’espère …
Extinction de la lampe à pétrole …


21/01 Sal le matin

10H00 ce matin je prends mon premier « Aluger » - taxi collectif local pour me rendre à Espargos. Objectif de l’opération : banque et tenter de trouver du cable à meilleur prix qu’à Palmeira ..
4 kilomètres à travers un désert de roches, de sable et de sel … Sal, une île plate et desséchée, seules les deux collines d’Espargos, culminant à 400 mètres, offrent un peu de relief à ce grand reg de cailloux.
Arrivée à Espargos, ambiance africaine … La place des joueurs de cartes, le marché aux légumes, le marché aux poissons, quelques églises, foultitudes de « maisons évangéliques ». J’apprends assez rapidement que nous sommes le jour « des héros » - sans bien comprendre de quels héros il s’agit (ceux de l’indépendance je crois- je m’aperçois vite en fait pour le coup que toutes les administrations et magasins sont fermés « chiuso » « cerrado » ce jour … Pas de banques, pas de cables, déplacement pour rien …
J’en profite toutefois pour me balader dans cette petite ville qui n’a franchement pas beaucoup de charme, mélange de maisons basses pastelles « à la portugaise » et de grands immeubles gris démesurés et modernes pour les administrations et les banques … Bof, bof … Plus qu’à retourner au bateau …

De retour à la plage de Palmeira je rencontre Loïc et Jacques, deux français, l’un a la quarantaine, l’autre a plus de 80 ans … Ce sont, en fait ils étaient des plaisanciers … Le mois dernier, même chose que moi, ils sont arrivés avec un gros Ketch en « ferro ciment » de 14 mètres, ils n’avaient pas de moteur, fortes conditions de mer … Ils ont tenté comme moi une arrivée à a voile … Ils ont raté une manœuvre, un empannage, un peu près de la côte … « Tu vois le tas de choses rouges et jaunes là bas sur la plage, c’est ce qui reste de notre bateau … ».
Ca a été très rapide, paraît t’il, quatre ou cinq minutes pas plus, pas le temps de réfléchir, juste d’évacuer le bateau sans se faire de mal, puis de contempler la rage au ventre, sans pouvoir intervenir d’aucune façon, leur bateau se disloquer peu à peu sur les rochers, toutes leurs affaires s’éparpiller sur la plage … Aye, ça doit faire mal de vivre ça !!!
Frayeur rétroactive, je suis passé juste là, avec 30 nœuds de vent et mon seul foc tout rapiécé. Si il s’était déchiré là, à cet endroit précis, sûr que l’Atao ne serait plus aujourd’hui qu’une grosse boite d’allumette … Et puis frayeur active, avec ces conditions particulièrement houleuses et venteuses, je n’ai toujours pas de mouillage de secours, si la chaîne venait à rompre c’est là bas sur la côte que je me retrouve …
Loïc et Jack ne se laissent pas abattre pour autant. Ils projètent de construire une petit chantier naval ici à Sal et de reconstruire un catamaran polyester avec le reste de l’accastillage qu’ils ont pu finalement récupérer de leur bateau sur la plage. Ils me racontent la gentillesse des Capverdiens, leur soutien, leur solidarité. La moitié du village s’est mobilisé pour sauver ce qui pouvait l’être mâts, moteur, les voiles …
Au fil de la conversation je comprends qu’ils ont de l’accastillage qui m’intéresse. Des haubans, des winches, un petit moteur d’annexe Daitsu 3 Cv, un générateur … Que nous pourrions envisager « un troc » contre mon moteur d’annexe 8 Cv qui est trop lourd à manier … Et ils m’aident pour l’installation des haubans … Ce pourrait être un bon deal, on « tope là », à suivre !

Je trouve enfin les mécanos du port. Rendez vous est pris pour le lendemain, à 8h00 du mat’ sûr, sur la plage avec mon annexe. Direction mon foutu moteur de « 405 Pigeot ».

Je traîne la soirée avec Loîc et Jack. Ils tournent au « cortado », comme tous ici, au bar du port… Chapeau le vieux Jack, à 80 balais et à ce rythme … Santé, longévité, projets !!! C’est trop fort pour moi le rhum, mais bon c’est Loïc qui invite …

Retour sur l’Atao avec une batterie en théorie rechargée après 15H00 de perfusion au 220 Volts. Je l’installe, la lumière du carré fonctionne à peine, même pas assez de puissance pour enclencher les pompes de cale … Je la teste, à peine 9 volt … Le messe est dite ladite est cuite, morte, foutue … Je l’ai achetée en France, neuve, il n’y a pas un an !!! Depuis le départ de la Rochelle, avec mon incapacité à les entretenir faute de moteur, elles se sont complètement déchargé au moins 4 fois, mes batteries, je crois bien que tout mon « parc » est foutu … Comme de gris nuages qui s’amoncellent ….

Au chloff Captain’, sous la lumière blafarde d’une ampoule 10 Watt très basse tension …


22/01 Sal

Comme convenu je me présente à 8h00 sur la plage de Palmeira pour embarquer mes mécano. Bien entendu c’est mon second rencard « à l’africaine », personne …
Matinée douce, lever de soleil sur la baie de Palmeira, couleurs … Les pêcheurs débarquent leur butin de la nuit sur le quai : Murènes, Garopa, dorades, poissons corails … Les poissons sont écaillés et vidés là directement, puis vendus à quelques marchandes aux paniers d’osier …

10H00 mes mécanos débarquent nonchalamment sur la plage, le sourire aux lèvres, avec un tout petit sac d’outil sous le coude … Direction l’Atao.

Je démarre le moteur, il tourne toujours !!! 30 secondes avec toujours ce drôle de bruit de casserole désagréable, je coupe tout … On le libère complètement de son capot en bois, et là, pas besoin d’être mécano pour comprendre que c’est très, mais très très grave comme problème … Une bielle a traversé le bloc moteur, carrément, transpercé …
C’est tellement gros que je ne l’avais même pas vu. Et pourtant le moteur tourne toujours, sur trois cylindres …Choc, permettez que je tombe un peu sur le cul !!!

Euh, photo ?

Palabre avec les mécanos. Ils me jurent, en « criolou », langage local type créole portugais, qu’ils disposent d’un vieux bloc moteur adapté, « muito barrato » pas cher donc, que tout ça c’est de la gnognote et qu’ils vont pouvoir me réparer ça en deux coups de clef à molette …
Et là je fais une putain d’erreur, je suis encore sous le choc de la découverte de cette foutue bielle perforante, je leur donne carte blanche …

Avec leur mini sac à outil, en moins de trois heures, ils me désossent complètement et m’éparpillent sur le pont mon foutu moteur Pigeot. Champions les gars !!!
L’huile de moteur se répand sur mon joli pont en Teck, je commence à meugler …
Et maintenant, qu’est ce qu’on fait ?
Il faut aller à Espargos parler au propriétaire de mon futur moteur. Ca prendra tout l’après midi pour le trouver, le bonhomme, puis qu’il nous mène jusqu’à son foutu « engin ».
Je fini par découvrir, blotti à même le sol sableux, un pauvre vieux moteur tout rouillé de 205 Peugeot, tout dépenaillé, tous les périphériques manquent (démarreur, pompe à injection, alternateur …). En y regardant bien, hum avec les mécanos, c’est la même base bloc moteur Peugeot que mon 405. Paraît qu’il pourrait faire l’affaire ce tas de tôle tout rouillé, avec beaucoup de travail y’aurait moyen de l’adapter …
Je demande le prix au propriétaire tout sourire. Le gars a le culot de me demander 700 000 escudos (700 €) pour son épave de M … Il se fout du monde, ils se foutent du monde, ça vaut pas 100 € ce truc. Bien sûr, même si j’ai plutôt envie de lui donner deux gifles, je lui demande poliment le temps de la réflexion, j’abandonne là mes foutus mécanos et rentre seul au bateau … Et me voilà donc ce soir avec un moteur complètement éparpillé sur le pont , et sans aucune solution pour le remonter … Euh, au secours !!!

Profitant de mon passage « en ville » cet après midi je suis passé à la banque. Confirmation que ma carte bleue est définitivement foutue, elle ne serait même plus valide selon le central de carte bleue Cap Verdien ?? Je change 500 € de « travellers chèques » contre des espèces.
Ne me reste en tout et pour tout que 1000 € de cash en incluant ce que je viens de changer… Je crois que je n’ai jamais été aussi serré de ma vie en voyage, enfin sans billet d’avion retour dans la poche et avec la responsabilité d’un bateau de 10 tonnes sur le dos à entretenir …

Fin de journée …


23/01 Sal

Je sais je me répète, mais ça souffle vraiment fort ! 25 nœuds Nord Est rafales à 30. Moutons échevelés au dessus d’une belle houle, une mer à l’étranger, aucun secours envisageables ici … Et ce moteur en vrac sur le pont en plus. Si il m’arrive le moindre pépin de mouillage je suis absolument pas manœuvrant. L’ancre tient le choc, mais ça reste foutrement impressionnant. J’ai racheté 30 mètres de chaîne 10 Mm à Madère que j’ai rallongé par les 20 mètres de 8 Mm d’origine qui me restait. Avec ce vent et avec 7 à 9 mètres de fond j’ai tout laissé filer. J’ai installé un système de frein avec de grosses amarres pour atténuer le coups de butoirs de la chaîne contre le davier. J’ai sécurisé l’ensemble avec une chaîne supplémentaire de 7 mètres molle, sous la manille de fixation du frein. Reste que ces 20 mètres de m’inspire pas une grosse confiance, elle a déjà rompu à Madère ! Je croise les doigts pour que cela tienne et suffise à contenir les rafales, mais à l’oreille les chocs sont rudes.

Bref je passe ma journée à ranger le pont de mon mieux et pour simplifier tout le gréement pour pouvoir hisser au moins une voile en urgence et retrouver un minimum d’autonomie pour le cas où …

Inventaire des voiles avant (les focs). Il me reste trois « cadavres » en main : le Génois (25 m²), le Foc N°2 (12 m²) super léger, et ce que j’appelle mon Foc N° 1 (7m²). Mon Tourmentin (5 m²) ultra costaud est passé à la baille, et mon grand Foc N°3, déchiré sur la largeur en deux points depuis Gascogne est irréparable. Lui c’est plus un cadavre, c’est un fantôme…

Le Génois me semble réparable, il est décousu sur près de trois mètres sur la largeur mais seulement décousu pas déchiré. Avec une bonne machine à coudre, peut être …
Le Foc N°2 est décousu sur deux Laizes et déchiré en partie sur sa largeur, point d’écoute complètement décousu sur 5 épaisseurs. C’est peut être réparable, avec des pièces, mais vu qu’il est tout petit et presque trop léger (en texture) pour le bateau ça en fait de toute façon un foc bâtard à sortir par « temps formé » mais pas trop toutefois. Je vais tenter de le faire réparer mais de toute façon le résultat sera … Moyen !!!
Le Foc N°1. Ma dernière (mais vraiment toute dernière) voile disponible vous vous souvenez ? Observation à la loupe, constatation : c’est vraiment un miracle qu’elle ai tenu le coup !!! Le câble métallique du guindant au niveau des mousquetons qui assure l’intégrité de la voile sur l’étai est complètement rouillé, et littéralement rompu en trois points. Le point d’amure d’écoute où se con centre tous les efforts de la voile est décousu sur 6 épaisseurs de tissu de plusieurs centimètres et étiré, déformé …

Je vais essayer de trouver un couturier pour le génois et le foc N°2.
Je vais m’occuper personnellement, aiguille à la main, du foc N°1. Au moins 18 heures de boulot ultra concentré à vue de nez …

Quant à la « Grand Voile ». Je n’ai pas à rougir du travail fait en mer, mais elle est usée, usée, usée … Ca en est désespérant … Mais le tissu reste sain, elle ne fait pas trop de poches, juste la chute est vraiment élimée, vous comprendrez peut être, avec les bastaques … Une dizaine d’heure encore pour moi ici, pour pouvoir la consolider un minimum et continuer la route …


Moralité ma vie aujourd’hui ne dépend que d’un bout de chaîne usé de 8 Mm d’épaisseur,
de quelques bouts de tissus élimés et décousus en guise de voiles et de quelques vieux bouts de calfats en coton complètement pourris pour l’étanchéité de la coque … C’est donc ça l’aventure ???

Passage rapide « au village » en début d’après midi. Les mécanos ne veulent pas travailler cet après midi pour remettre le moteur sur son socle. Trop de vent, trop de houle pour ça (200 Kg au palan sur la bôme pour viser 4 petits boulons c’est pas facile …) ! Peuh, pas trop marins ces Capverdiens là … Pas le choix, et j’espère toujours une solution miracle pour mon bloc moteur. Radio Village fonctionnera peut être, mais dans le fond je n’y crois pas … Mon petit doigt me dit que la solution sera Sénégalaise ou ne sera pas …

Retrouver un accastillage de mât décent reste ma priorité.
Et des batteries pour le pompes de cales ! A l’arrêt la voie d’eau se stabilise peu à peu à … 200 litres d’eau toutes les 10 heures. C’est beaucoup encore, même si « on » a vécu pire …
Alleye, bonne et paisible nuit Capverdienne mon Gilou …


24/01 Anse de la Palmeira Sal

Boudiou ce vent … « No stress » c’est paraît il la devise, une phrase commerciale « leitmotiv » du Cap Vert. Ben moi ce vent, il me stresse !

Vers 9h00 une barque de pécheur en approche. Un Cap Verdien, envoyé dit il par Loïc, demande la permission de monter à bord pour jeter un coup d’œil sur mon moteur. Quelques hésitations pour le laisser monter à mon bord, et puis après tout … La barque s’en va.
Et me voilà avec ce grand gaillard à bord, qui voulait savoir si un moteur de 504 de 1975 pourrait venir s’adapter sur ma machine. Il se trouve que ce n’est pas possible, qu’il est bien bon, mais qu’est ce qu’il fout là à bord, avec un air de reluquer dans tous les coins … Ca aussi ça me stresse …
Je le ramène à la plage en annexe, matinée foutue. Je trouve les mécanos qui ne sont pas disponibles pour la journée. En espèrant toujours un éventuel miracle « peugeotoi » je laisse filer sans insister.

Priorité à l’intégrité du mat avions nous dit ! Je trouve enfin Loïc et le tanne sur son accastillage. Direction le local qu’il loue pour entreposer le matériel de son naufrage, une petite piaule de 12 m² où il dort.
A vue de nez les haubans qu’il me confie (mono brins pas bon) sont trop court. Le winch qu’il me propose est trop gros pour ce que je compte en faire (soutien pour les prises de ris) , tout grippé par le sable, des heures de graissages et démontage en perspective. Le moteur Daïtsu est, paraît t’il chez le mécano, pas visible en tout cas …

Bref je sens que je perds mon temps là. Merde il va falloir se payer un haubanage neuf …

Retour sur l’Atao. Les haubans sont effectivement trop courts. Ca souffle toujours comme pas possible.
Euh … Action, réactionnnnnn …
C’est Vendredi aujourd’hui déjà.
Comme un énorme contrecoup de stress, écrire ??? Je crois que je digère juste mes 12 jours de traversée, que je réalise seulement maintenant les risques que j’ai pris pour arriver jusqu’ici … Comme un gros coup de fatigue, je passe l’après midi à somnoler …
Par miracle, j’ai découvert dans fin fond d’un équipet un bouquin que je n’avais pas lu, le « Procès » de Kafka. Ma mère me l’avait apporté, je l’avais soigneusement enterré en fin fond de cale, réminiscence d’un vieux souvenir … Ben j ‘avais bien raison, c’est d’un chiant ! Quand je pense que c’est un classique de lycée, pour donner aux jeunes l’envie de lire … Quel ennui …

Pages manquantes

25/01 Sal Palmeira

Pages manquantes

J’achète donc 12 serres câbles et 4 œillets inox, 55 € Svp ...
2 € le paquet de clopes, 1 € la petit bière …

De retour à la plage je tombe sur Loïc, je lui parle des ses câbles trop court, de son winch trop gros … Lui, toujours intéressé par mon moteur 8 Cv argumente. Son mât d’artimon a été récupéré par une famille locale, avec tout son haubanage, sur lequel sont fixés deux petits winches opérationnels vraiment mieux adaptés ! Reprise des négociations ! Mais bon, dis je alors, je n’ai pas 307 ans dispo on y va de suite !

Le temps de se munir de quelques tournevis et pinces, nous voici donc partis en expédition à travers le village … Nous sommes accueillis, fraîchement, me semble t’il, par la dite famille locale … J’ai comme l’impression de forcer le passage, je n’aime pas ça ! Pas très riche la famille ici. Il existe au Cap Vert, paraît t’il, je l’ai lu, une vieille tradition qui s’appelle la « Moia », la récolte des bateaux naufragés ... Loïc en a t’il seulement conscience, joue t’il sur ma présence pour récupérer son matériel ? Bref, nous passons l’après midi à dépouiller ce foutu mât d’artimon. Nous parvenons finalement à récupérer tous les filins, mais pas les winch, il faudrait d’autres outils …

Petits grogs de fin d’après midi mon Gilou ? Ben …

Je récupère l’une de mes batterie , dite rechargée ... Et me voici reparti vers l’Atao, l’annexe chargée à ras la gueule de filins, courses alimentaire, le chien, ah oui l’annexe fuit, elle aussi, par en dessous, elle fait de l’eau …

Chemin faisant je m’arrête sur une goélette « Suisse » de 15 mètres, tout au carré ... Le Skipper m’avait proposé, sous réserve de confirmation du propriétaire, de m’offrir une petit voile d’avant. Ils viennent de changer leurs voiles en Europe, le « vieux linge » risque de passer à la trappe, pourquoi pas en faire cadeau ? Oui pourquoi pas, hé hé … Le proprio n’a pas eu le temps de répondre au mail, la goélette part le lendemain matin, déception !!!
Un couple, trois ados c’est l’équipage suisse. Sympas ils m’invitent à dîner, confort, four, gruyère … Tout est rassurant sur ce bateau, propre, lavé rangé, opérationnel, ça me change … Ils partent le lendemain pour Dakar, vent de front tout le temps via la météo. Faute de temps, ils feront les 350 Miles au moteur, tout simplement … Ce doit être sympas de pouvoir compter sur un bon moteur, ce doit être, normal, même…

Retour sur l’Atao. Déchargement de l’annexe de nuit, avec la houle et le vent, dans le noir, j’adore ..

Je branche ma « nouvelle batterie », lumière de plafonnier ? Rien, pas de lumière, pas de jus,rien de rien ! Merde de m !!! Welcome back dans bateau la poisse. Lampe à pétrole, duvet et Zou « à dormir » … Point positif, dans la journée le vent a bien baissé.


25/01 22h00 Sal - Cap Vert
(hé hé tout de même)

Dimanche aujourd’hui …A part la fête de ce soir tout est fermé là bas, à terre, je sais j’y assistais la semaine dernière. Déjà une semaine ? Rien vu de l’île, chantier à peine avancé, et ce bordel sur le pont …
Il me reste moins d’un litre d’essence dans le réservoir de l’annexe. Suffisant pour une aller retour à terre, mais je ne crois pas pour deux … Peur de ne pas pouvoir en trouver aujourd’hui, Dimanche … Je n’imagine pas de ramer, avec le moteur au cul, sur presque 500 mètres, avec ce vent, danger … Prisonnier à bord, bien sûr plus de clopes, quelle truffe imprévoyante …

Je passe la matinée à tester les câbles ramenés la veille. Rien ne va vraiment. Pour sûr rien pour remplacer le Gal haubans principal. Je décide de travailler sur la base de mes anciens haubans, trop courts … Je passe des heures à couper de la chaîne 8 Mm à la scie à métaux élimée, patience, patience … Vers 15h00 je dispose de deux haubans adaptés « sur mesure ».
Le problème c’est que je ne vois pas comment monter, seul, en haut du mât. C’est ballot, pour un marin solitaire … J’ai beau me planter en bas du mât, avec un harnais, mes drisses, le matos à installer, les outils, un baudrier d’escalade spécialement bricolé, je ne sais pas, je n’y arrive pas … Au mouillage, la houle, après 5 à 6 mètres tout devient terriblement, mouvant … Ici le vent (l’harmattan ?) est chargé d’un sable rouge collant qui se fixe sur le mât et qui créé une pellicule gluante, glissante, mât de Cocagne … Je ne sens pas le geste, il faudra me faire aider …

Je « lance » un ragoût de poulet congelé acheté la veille, patates, carottes, oignons. Avec du riz ça nous fera au moins trois repas (à moi et à Roxao).

15h00 je me lance dans un long et fastidieux travail de couture. Le Foc N°1 sera ma seule et unique défense en cas de gros temps, il faut que je le « blinde » celui là…
Ma « Grand Voile », déjà bien affaiblie et élimée, me laisse beaucoup trop de surface de tissu exposé, même avec deux ris pris, par gros temps … Il eu fallu faire coudre une ligne de ris supplémentaire en France, la bagatelle de 300 € ... C’est un travail technique difficile, avec renforcement des voiles sur 6 épaisseurs et œillets … Sur le foc N°1 je décide donc de coudre et doubler la ralingue du guindant. Il me reste du cable souple en 6 Mm, récupéré de mes drisses de GV changées à la Rochelle, poinçon, gros fil, grosse aiguille, un point, deux points …
Le nez sur ses faiblesses, je remercie qui vous voudrez que ce foc n’aie pas craqué à l’arrivée.
Conscience visuelle, tactile des risques pris, des risques à prendre bientôt, avec ce foc bricolé, un trou dans la coque, pas de moteur … Arrête de geindre …
Bonne nuit à tous …


26/01 Sal

Rien le matin, rangement, couture, tournicouti, tournicotage …
Trésorerie Cash 360 000 escudos (360 €) avec ça il faut recoudre deux focs, reposer le moteur en place, trouver un câble de 13 mètres, deux batteries neuves, quelqu’un pour m’aider à monter au mât, remplir le réservoir de l’annexe … Plus d’argent, plus de carte bancaire … Je crois n’avoir jamais été autant en position de précarité de ma vie, à l’étranger, danger de l’eau, poids du bateau … Désolé pour ceux qui rêvaient de lire du soleil, des cocotiers, des vahinés et des bons plans touristiques au Cap vert …

21h00 Nuit noire depuis deux heures. Une lampe torche ballottante, quasi pas de vent. L’Atao roule doucement de la faible houle produit par la plage de Palmeira. Riz, patate, poulet, au curry Svp ballottent doucement dans l’estomac du capitaine. Nuit noire, what to do ? Avec cet horrible petit cahier pour seule compagnie, même à lui rien à lui dire ... Décrypter mes faits et gestes de l’après midi ?

Languide Afrique, chaque fait, chaque geste, chaque mot (en criolou) prend des heures, t’induis en erreur …

Je partais chercher du super pour l’annexe. Gazole ou Gasolina (super ou diesel) ? Questo esta la pregunta del dia ! Pas se planter tout de même … Et où la station se trouve t’elle ? Heures d’ouverture ? Où trouver de l’huile de mélange pour moteur 2 temps ?

« Je le fais pour toi si tu veux ». Comme un pauvre je m’accroche à mon bidon, pour ne pas distribuer le pauvre euro de commission que le jeune demande … J’y perds l’après midi.

Loïc, Jack, quelques bibines, le récit imagé de leur échouage, ça m’a marqué, je les tanne pour en savoir plus …

Puis je me retrouve devant internet bien décidé à recopier ce cahier vite fait bien fait. Deux heures, et donc 6 euros plus tard, je n’ai copié que deux jours. Et ces lacunes dans ce pauvre texte … J’aimerais pourtant le garder en mémoire, voire la partager ce texte, malgré ses redondances, pour mon bon souvenir, un jour, plus tard, happy end ou non … Bref , niveau communication, tant pis pour mes éventuels lecteurs (salut maman) je ne peux pas plus pour aujourd’hui.

De retour à la plage je rencontre un jeune local qui se met à ma disposition demain pour aller faire le singe dans le mât. « Au moins trois aller /retours » précisé –je prévoyant. Contre 2 000 escudos (20 €), cela va de soit. Rdv pour 9h30 le matin, normalement …

Je récupère in extremis mon réservoir d’annexe toujours aussi vide (mais Gilles qu’est ce que tu fous ?) dans un magasin qui ferme juste.
Au retour je me trompe de bateau. Je cherchais un équipage qui me promettait une « chute » de câble inox de 15 mètres … Des gens tout nus sur ce bateau erreur … J’aime toujours pas être tout nu, même paumé au milieu de l’océan .

Retour dans le noir.
Et voilà, le temps rejoint le temps de dormir et d’éteindre la lampe torche




29/01 Sal – Cap vert

3 jours sans écrire, tu te laisses aller mon Captaingils.

Faut dire pas grand chose de nouveau sur ma plage du bout du monde.

Difficile de caser plus d’une chose à faire dans la journée. Je suis finalement parvenu à remplacer « définitivement » deux bas haubans, ne me reste que le Galhaubans à remplacer, le plus long, le plus haut … Le problème c’est que de monter tout en haut du mât avec cette houle ce n’est franchement pas évident, même à deux. Et les gars que j’arrive à embaucher pour ça sont plutôt un peu manchots. Ils ne sont pas du tout habitués à manier des winches, pas vraiment rassurant quand c’est moi qui monte.

Et quand c’est moi qui les monte, pour peu qu’ils acceptent de faire un peu le singe là haut, ils perdent tous leurs moyens arrivé au premier tiers du mât. Ils perdent tous leurs moyens, me lâche tous les outils sur la figure ou à l’eau et ne sont en aucun cas opérationnels arrivés au but.

Philippe, un plaisancier d’ici a accepté de me prêter main forte sur ce chantier, mais après trois heures à batailler avec les bas haubans j’ai eu pitié de lui et l’ai libéré avant de finir le travail … Et toujours ce problème pour trouver un câble de 14 mètres.

En désespoir de cause je viens d’acheter à un autre plaisancier (pour 50 € tout de même) un filin textile de Kevlar en 8 Mm. Il me dit que tous les bateaux de compétition moderne sont désormais tous haubanés avec ce type de filin cher bien sûr, bien plus léger que le câble inox.

Puis une fois acheté je discute avec d’autres marins. Oui effectivement le Kevlar peut rendre ce service, mais au moindre accroc dans la structure du câble « ça » risque de pèter sec … Et merde, je n’ose finalement l’utiliser pour sécuriser mon mât …

J’ai fini de coudre, à la main bien sûr, le câble de renfort du foc N°1. Bien que pas très orthodoxe je crois que ma réparation est viable et solide … On verra bien ! Je fignole, également à la main la chute de la grand voile, travail super long avec4 épaisseurs de tissu.

Pour le génois et le foc N°2 j’ai finalement trouvé un genre de tapissier, à espargos, dont le boulot principal me semble être de retaper de vieux sièges de voiture et qui dispose d’une machine à coudre de bon gabarit et suffisamment puissante pour intervenir sur ces épaisseurs de toile. Il faut lui amener les voiles en Aluger. Il demande trente Euros pour les deux voiles. J’espère que son œuvre sera viable …

Moteur toujours en vrac sur le pont.

Le vent a bien baissé ces derniers jours, mais de fait, la météo, et les pécheurs locaux annoncent une houle très forte (ils annoncent jusqu’à 3 mètres) qui risque de changer d’orientation d’entrée dans la baie. Ca va swinguer dans les banettes …

J’étais mouillé vraiment trop prêt de la plage. J’ai réussi aujourd’hui à tracter le bateau avec mon annexe et mon petit moteur 8 Cv, et avec l’aide d’un autre « collègue » marin allemand compréhensif. J’ai fini par éloigner l’Atao de la côte de plus de trois cent mètres. Et me suis glissé bien sous l’abri du brise lame, à la limite du passage des cargos etFerries qui viennent décharger là … Avec ce vent de Nord Est je pense pouvoir reprendre la mer à la voile sans heurter personne.

Je suis bien mieux là, à l’abri du brise lame …



01 / 02 Sal Cap Vert

Le temps s’immobilise ... Au Cap Vert.

Ou d ‘écouter mes cheveux qui poussent, ces quelques rares qui daignent encore le faire, et la barbe avec … Les Chicas ont flairés ma passivité et ne me jettent désormais plus que de dédaigneux regards hautains et les Chicos, sentant mon manque de fric m’abandonnent aux chiens … Valse des équipages qui s’en vont, qui s’en viennent, regards hagards des plaisanciers qui atterrissent,

Sal, l’île au vent, constant, omniprésent, saoulant …

J’ai cessé de boire des grogs, c’est

Trop fort pour moi, brûlures d’estomac, mal de tête … Une espèce de poudre de Ganja disponible ici, mais après trois mois d’abstinence je me refuse de replonger dans ce vice, au quotidien en tout cas. Les quelques locaux qui fument, tournent déjà essentiellement au grog, mais aussi à la Ganja mélangé à une sorte de Coco en pierre, du crack de mauvaise qualité me semble t’il ??? J’ai goûté une de ces cigarette « améliorée », goût métalique, effet froid, dangereuse cigarette, pas mon truc … Le Grog au petit matin en guise de café semble être une institution ici, du moins dans le milieu des pêcheurs capverdiens, impressionnant !!!

Saoul de vent et de soleil, effrayé par la platitude de ma « bourse de voyage » j’essaie de vivre sans rien dépenser. J’ai pourtant déjà « craqué » 500 € en moins de 15 jours sans pourtant avoir de frais de port ou de mouillage pour une fois (réparation du bateau). Cette avarie de budget me gâche vraiment le voyage, con d’avoir investi autant pour arriver là et de rencontrer finalement des problèmes de trésorerie une fois sur place.

Pour le grand haubans j’ai fini par opter pour un câble en acier galvanisé, vraiment moins cher que l’Inox (1,40 € le mètre) … Ca rouille plus vite mais bon … Chaque expédition en haut du mât m’épuise et me laisse sur la carreau. Une partie de l’ancien câble du Galhaubans est resté coincé à la pointe des barres de Flèches, impossible à le décaniller, quasi intouchable avec cette houle … Il suffirait de 15 seconde pour couper ça avec une disqueuse, mais sans électricité … Tenté de démonter la barre de flèche entière mais une fois vis et boulons difficilement dégagés, rien à faire elle ne bouge pas d’un poil … Je capitule après deux heures à me faire secouer comme une noix de coco contre le mât. Le travail reste à faire. Petite misère rageante de chantier … Saturation de bricolage après deux ans à m’acharner sur ce bout de bois, cherche second souffle, pugnacité …

Fainéantise africaine … Je me traîne et m’épparpille pour réaliser trois achats, ou me réapprovisionner en eau. (douce l’eau, l’autre pas de problème j’en ai !), en Gaz, en pétrole, en électricité, en nourriture pas chère (marre du poulet brésilien congelé). Juste vivre demande une concentration du diable …

Les gens de Palmeira commencent à s’habituer à ma présence, à me saluer, à me sourire le matin. Décrire une simple gentillesse ou « douceur d’âme » c’est un peu court, restrictif, mais comment expliquer ? « No Stress » !!!

Del ‘avantage de voyager seul, je suis régulièrement invité à dîner ou déjeuner chez les autres … « Balaye », le mécano m’invite officiellement dans sa famille pour le dîner. Il a 24 ans, Chez lui c’est une petite piaule de 12 m²1 Km de là. L’eau provient d’un désallinisateur offert par des hollandais qui, paraît t’il, fourni toute la population de l’île, et qui a rendu la vie possible ici. Je crois que 80 % de la population sur Sal maximum qu’il partage avec sa femme de 19 ans et leurs deux garçons l’un a déjà 4 ans, l’autre 3 mois … Ils sont tous deux originaires de Praïa (comprendre l’île voisine, au sud de Sal, nommée par nous autres Santiago). Ils ont migrés ici parce que plus de travail pour lui, elle ne travaille pas … Enfin elle s’occupe des enfants etde la survie quotidienne dont je parlais juste plus haut. Aucune maison du quartier ne dispose de l’eau courante, il lui faut aller chercher l’eau douce à la citerne quotidiennement à

est présente depuis moins de 10 ans ici, tous des migrants,, grâce à cette eau, au tourisme et au développement du seul aéroport international de l’archipel … L’eau est vendue 40 escudos (4€) pour 70 litres, qu’il faut porter ensuite. Au repas Riz : au poulet brésilien (encore …).

Ouis c’est la petite bande des Sénégalais vendeurs de souvenirs qui m’ont « pris d’amitié », ils parlent Français eux au moins… Palmeira est l’objectif de l’excursion vendue par les hôtels de Santa Maria aux touristes tout pales et tout rouges, shortés de blanc et tous cliquetants de l’appareil photo sans vergogne, c’est également le (un des) point de départ de la sortie en mer en catamaran à la demie journée à 50 € pièce. Palmeira est donc le petit « village de pêcheurs typique » vendus par les tour opérateurs. Autours de cette valse de bus et de 4*4 privatisés survie une population expatriée Sénégalaise affairée de masques, colifichet, tee shirt et autres « souvenirs ». Ce genre de business ne semble pas intéresser les Capverdiens. Bref, les sénégalais m’invitent à déjeuner.

Nous sommes donc une dizaine de personnes installés à déjeuner autours d’une énorme gamelle de, devinez quoi ??? « Riz au poulet brésilien » bien entendu, grr grr … Roxane trouve ça vachement convivial l’Afrique, avec cette grande casserole collective posé à même le sol, enfin « on » mange ensemble. Des os de poulets en plus !!! Baffe, laisse … Les musulmans n’aiment pas particulièrement les chiens, surtout dans leur gamelle …

En fin de repas la conversation tourne autours d’un de leur ami, qui vient de perdre son père là bas au pays, qui doit rentrer au Sénégal dès que possible, mais qui pour des raisons de visas capverdien expiré préférerait rentrer avec moi, en voilier. Il pourrait même payer son voyage (20 000 Escudos – 200 € mine de rien). Je ne dis pas oui, je ne dis pas non, pour rester poli en fin de repas, pour voir la tête du bonhomme … Oui bien entendu il a un passeport sénégalais, oui c’est un homme très bien, il fait même office « d’Imam », pour la communauté Sénégalaise ici. Houla …

Sur ces entrefaites, un homme entre dans la pièce, black bien entendu, petites lunettes rondes d’intellectuel, la cinquantaine, je sens l’homme d’autorité, visiblement instruit et respecté ici … Houlala, ça sent le politique à plein nez ! Pas du genre sportif attiré par les « choses » de la mer. Je le questionne un peu : bien entendu il a déjà navigué, prétend t’il, et argument (pour lui en tous cas, il insiste) de poids il connaît bien l’Europe : l’Espagne, le Portugal … Alors nous sommes faits pour nous entendre ! Je ne cracherais pas sur 200 € ces derniers jours, mais là ça sent l’entourloupe clandestine à 100 miles nautiques à la ronde … Vraiment pas envie de me faire ennuyer pour trafic de politiques intégristes, et oui mon Gilou c’est ça l’aventure, la vraie …

Je cherche à décliner poliment (difficile après un si bon repas – hum – au poulet brésilien, si spontanément offert). « Plus de moteur, ma voie d’eau, plus d’électricité, voiles déchirées … ». Mais pas de problème pour le monsieur. « Si toi tu y vas, moi j’y vais ! Un coup de main par ces conditions difficiles sera sûrement bienvenu, non ? » - Ouille ! En fait je hurle de rire à l’intérieur, je l’imagine mon bel intellectuel, à 4 pattes et le cul à l’air dans sa Djellaba, à enchaîner les seaux d’eau dans les fonds de cales de l’Atao… Je vais lui apprendre une autre manière de prier le bon dieu moi ! Et pas seulement quatre ou cinq fois par jour mon fainéant, mais toutes les heures ... Puis idée de génie ! Je raconte (à l’Imam) la vie à bord à partager avec le chien qui vit à bord chez lui, à se coller à toi, proximité, promiscuité avec mon pauvre animal impur … Yes, touché coulé l’Imam … Il devient tout gris et fini par accepter mes excuses de sécurité. Il s’en va enfin, ouf !

C’est la troisième fois depuis que je suis ici qu’on me demande d’embarquer à bord, pour le Sénégal, 2 Sénégalais et un Guinéen, contre rétribution bien entendu ... Ici circu »lent quelques histoires de ces plaisanciers qui « chargent la mule », jusqu’à 10 personnes dans leurs voiliers, pour refaire « la caisse de bord ». Bien sûr je décline systématiquement. Argh, on est bien loin de la jeune blonde pulpeuse de mes rêves qui cherche un embarquement pour « l’aventure »…

D’autres repas, d’autre rencontre, avec les plaisanciers en majorité. Qu’en dire ? Ne pas tout décortiquer mon Gilou, de peur de perdre le charme de chaque rencontre.

Je parlerais tout de même de Michel, un autre « Capitaine » de 70 ans, propriétaire d’un splendide « Yacht classique » de 15 mètres, en bois donc, un « plan Stephens »… Il vit de et sur son bateau depuis plus de trente ans, il a sillonné le monde avec … Charisme, bonne humeur, un érudit modeste et un peu ronchon et cynique comme je les aime, un putain de vrai aventurier comme on n’en fait plus, le genre de gars dont il faudrait écrire la vie (quand un vieil homme meurt, c’est une bibliothèque entière qui disparaît). Je bois ses parole (et son pastis sénégalais, hé hé, on va pas se laisser abattre tout de même …) du Sénégal au Brésil, du Chili par le Cap Horn et le Pacifique, j’adore ... Il n’a pas de moteur non plus, depuis près de cinq ans maintenant, faute de moyens mais par choix aussi, je crois (frimeur)... A 70 ans, il manœuvre son grand voilier seul, chapeau bas Captain ! Pas un vernis à son bord, il entretient tous ses bois à l’huile de teck et c’est marre. On est bien loin des snobinards du « Yacht Club Classique » de la Rochelle. Et lui aussi me parle de la « belle plaisance », de ses rencontre avec tous les grands noms de la plaisance, et il en a vu défiler, descélèbres et de plus discrets … En quelques mots il me réconcilie avec mon bateau (il ne tarit pas d’éloge sur mon brave Atao, bien mal en gueule en ce moment, ça fait du bien !), sur mon choix « du bois », la débrouille, trucs et astuces de bricolages, et le Sénégal à venir ... Ses conseils sont vraiment précieux ! Il me parle également de ses terribles crises d’asthme qui le terrasse parfois en pleine mer avec parfois tempête, seul à bord, agrippé à son souffle … Quel bonhomme … Je lui écrirais bien son livre moi, sentiment que c’est dans mes cordes, il suffirait que l’on passe un mois ou deux dans les bolong du Sine Saloum, un enregistreur, mais bon …

Visites d’autres voiliers plus « synthétiques », parfois très « roots », parfois « hypra sophistiqués ». J’ouvre grands les yeux, fort les oreilles et tente de retenir, à mon humble niveau, les trucs et astuces des marins qui m’entourent.

Ah que ne puis je revenir deux années en arrière avec ce que je sais aujourd’hui, etsurtout le budget que je possédais à l’époque ! Par goût, par défi, je crois bien que j’achèterais toujours l’Atao. Mais la préparation aurait été 2 fois plus rapide, les « investissements » bien différents. Et sûrement moins de lassitude « à la tâche » sur la route .



05/02 Sal

Trois jours sans descendre à terre, économies, économies … Frustrant ! « Veni, Vici » mais rien « Vidi » du tout du Cap vert. Sera ce la conclusion de mon aventure « maritime » ?

Haubans enfin installés, il a fallu que je monte 5 fois tout en haut du mât rien que pour installer le Galhaubans. Michel m’a aidé pour le réglage final de la tension de mon « gréement fractionné ». Trucs et astuces bienvenus : calcul des distances avec la drisse de grand voile, vérification de l’équilibre de la tensions des haubans avec un pèse poisson à ressort, et le précieux coup d’œil final, merci Michel … Au final mes haubans sont bien plus tendus qu’ils ne l’étaient précédemment, la mât bien plus profilé vers l’arrière (en prévision de ma longue remontée « à contre » à venir). Pour les précédents réglages je m’étais basé sur la tension « existante », mais comme le bateau n’était pas sorti du port des Minimes depuis près de trois ans … A Marans, lors du re matage, j’avais laissé carte blanche à mon « pote », Michel, le charpentier marine, dont je n’ai pas souvent parlé ici, il ne le mérite pas !! Bref trop mou tout ça, trop mou, et donc vibrations, et donc rupture …C’est le métier qui rentre, par une autre voie, un autre fil, un autre chapitre, catastrophe évitée, juste limite … De quoi aurais je l’air, ici, sans mât ? Aurais je trouvé, tel « Moitemoite » pour son Joshua, un poteau de télégraphique ici ? Pas certain qu’ils aient le télégraphe ici … Et pour sûr il doit bien y avoir quelques générations qu’un arbre de cette taille ai jamais poussé ici ! Ces réparations me semblent viable. J’utilise désormais des « serres câbles », trouvé personne pour faire une épissure sur câble métallique ici. Il faut que ça tienne, point à la ligne, point à la mer … Certains marins me parlent de coup de chiens à plus de 60 nœuds de vent, je n’imagine même pas …

Il me faudra monter une fois encore en haut du mât, d’une part pour retendre mon haubanage de guignols (tenseurs de la partie haute de mon mât), parce que celui ci a toujours tendance à bananer (pencher) à tribord, d’autre part afin de resserrer les « serres câbles » situés en hauteur. Avec la tension les câbles ont tendance à s’affiner, le serrage doit donc être vérifié.

Je continue la couture de la grand voile, travail de longue haleine. Michel « m’offre » une solution qui simplifie ce travail (et surtout qui le renforce un peu) : il s’agit de coller les pièces de renfort à la colle néoprène, puis de marteler l’ensemble avec un maillet mou pour chasser les bulles d’air. Il faudra toujours coudre ensuite, mais le travail est bien simplifié.

Je ne sais pas si j’ai appris grand chose ces deux dernières années avec ce perpétuel chantier « naval » mais je commence juste à comprendre un peu mieux les subtiles propriétés et différences entre les colles : epoxy, polyuréthanes, polymères, résineuses, mono composantes, bi composantes… Rigides, souples, expansives, hautes températures. Hallucinant !



13/02 Sal (Toujours et encore)

Que dire, qu’en dire de ces derniers jours ?

Je ne cesse de lire, abruti de livres … Je quémande, j’emprunte, je supplie à la flottille des bateaux français ici. Lire pour ne pas penser à mes faux malheurs, à ma peur de poursuivre, à l’avenir parisien, à la miss tordue de l’âme… Vrac de livres non choisis : Polars à mort, bouquins de marins (bonne série de Henri de Monfreid, Kurun …), « Le monde le juifs et l’argent ». Rien de bien « retournant », il est tant de gens qui écrivent …

Le 08/02 il y a eu une fenêtre météo idéale. Vent de nord de 10 à 15 nœuds, sans houle formée prévu sur 5 ou 6 jours consécutifs … L’Atao était prêt, propre, regréé, ses voiles recousues et réinstallées, de l’eau douce ne suffisance, le « cadavre » du moteur enfin reposé sur son socle … Petite fête à terre la veille au soir avec les potes plaisanciers pour bénir nos différents départs qui pour « La » traversée, qui pour le tour de l’archipel, d’autres pour Dakar … Je me laisse aller à boire quelques « grogs » et divers cortado, vous savez l’alcool à brûler l’âme, local … Erreur, grossière erreur ! De retour à la plage, lunettes noires et crustacés, je tire ma si lourde annexe, je n’y vois rien, un faux pas, un genoux à terre, un sale tesson de bouteille … Je me réveille le lendemain, du sang partout, sur le pont, dans mon lit, le duvet l’annexe … Ai-je tué quelqu’un ? Un cochon pour la route ?

Moralité une profonde et large et profonde coupure qui m’inquiète vraiment … Ce ne serait pas le moment de « m’offrir » une sale infection en pleine mer…

Et quand le corps commence à lâcher … Je me réveille avec une « courante » à peine croyable, toutes les ½ heures sur le gogue, liquide, liquide pendant trois jours. A croire que l’on a glissé un laxatif local très, mais très, efficace dans l’un de mes verres hier. Purge, boire des litres de flotte, se forcer à manger (riz - sans poulet – pas mal non plus), me voilà bien assaini de l’intérieur, juste ce vague sentiment de ne plus peser très lourd en ce moment, musclé pour sûr, mais pas lourd … Bref …

Le vent se réinstalle peu à peu Est / Sud Est, 20 nœuds, droit dans le nez pour Dakar. Rien de bien exceptionnel comme condition météo, mais pour rejoindre Dakar (350 miles nautiques mine de rien) houle et vent dans le nez en permanence, avec ce gréement « de fortune » non testé, cette voie d’eau et mes trois vieilles batteries toutes nazes !!! Je ne sais, je me dégonfle …

Riz, poisson, flotte, bouquins, repos …

J’attends, j’écoute la vie qui passe, qui chante, qui pêche, qui Tam Tam ..

Me reste 300 euros et 3000 escudos, peau de chagrin …

A Sal rien de nouveau.



27/02 Sal - Cap Vert

Ancre, encre (verte en l’occurrence) …

Étanchéité du pont, régulateur d’allure, matelotage (mes premières mais tellement nécessaires épissures) …

Est passé un joli carnaval, un jour, pas de photo désolé, l’appareil a flanché ce jour là … Vaguement réussi à le réparer, à bord, au mini tournevis et scotch au final pour maintenir le boîtier. Bientôt fin des photos je le crains, fin des haricots, c’est le cas de le dire …

Plus d’argent, ces derniers jours je pioche sans vergogne dans mon stock de boites de conserve venu de France, si patiemment constitué à Marans, courses après courses… Finie déjà la belle époque des « rognons sauce Madère », « cassoulets belle époque » ou « langues de bœuf sauce piquante » (des boites à 5 euros pièce tout de même, incroyables dépenses) … Il diminue à vue d’œil, je viens de déjeuner d’une boite de champignon de Paris (tout de même) au riz, accompagné d’un bon pain et de margarine. Pas avec ça que je vais me refaire « du lard » … Une palangrotte fixée en permanence sur la filière me permets de compléter mes repas de temps en temps, un ou deux poissons tous les un ou deux jours, complément alimentaire. Plus de croquettes, ni surtout de canigou pour Roxao, mon chien chien princesse … Régime au riz et têtes de poissons, comme tout le monde, elle adore (de toute façon elle n’a pas le choix).

Vivre au ralenti, sans coûter, vivre quoi, comme tous ici … Qu’est ce qui manque ? Quelle genre d’énergie si indispensable ? Soleil à plein tube, la coque de l’Atao se couvre d’algues, 20, 30 centimètres ? Gasolina pour le moteur de l’annexe, paquet de clops quotidien, café, poulet, pain, sucre … Et, parce que je suis bien blanc, mes seuls luxes « Leche condensado » et un grog de temps à autre.



02/03 Sal - Cap Vert

Pour la première fois de ma vie je me suis fait agressé hier au soir ... Volé, dépouillé. A Sal, Cap vert. M’en souviendrais je ? Je m’en sors bien, sans une égratignure, juste la vexation … C’était Dimanche soir, l’une des fumeuses soirées du Dimanche du Capricorne à Palmeira. Il est minuit, je rentre à bord, au départ de cette sale petite plage en contrebas où je me suis déjà flingué un genoux il y a longtemps déjà … Loin de la vue de tous les passants, l’endroit est rêvé pour un Guet apens ! Je tire mon annexe, difficilement vous le savez, un gars s’amène, me propose le coup de main, que j’accepte bien volontiers !

On tire, on pousse annexe à l’eau, chaussures retirées. Mon bon samaritain s’approche de moi pour me serrer la main, croche pied, cul dans le sable, mes lunettes tombent au sol, je les cherche. Une main s’insinue dans ma poche, ce n’est pas la mienne, à la recherche de quelques biftons (que je n’ai pas d’ailleurs). Je lui gueule dessus, je n’y vois rien, où sont mes lunettes ???

J’ai un petit sac étanche pendu au cou dans lequel je range mon téléphone et mon appareil photo durant les transferts en annexe. Par chance ce soir là, mon appareil photo est dans ma poche de pantalon, je venais de faire recharger mon téléphone à terre pour quelques heures, j’avais laissé ma carte Sim à bord … Le gaillard m’arrache le sac du cou et se carapate, avec mon téléphone … Je suis pieds nus, je connais cette plage, du verre traîne ça et là … Je cours un peu, le cul crispé, l’ombre disparaît rapidement dans la nuit. Me voilà refait d’un téléphone, un beau d’occasion « tout neuf » que ma mère m’avait si gentiment offert lors de son passage aux Canaries, chier, chier, chier ...

Le préjudice le plus grave au final : je ne retrouverais pas mes lunettes, noires, honnies, mais de vue… Je retrouve une dernière de dernière paire à bord, rayée mais rayée d’une force, à en avoir mal au crane, mais c’est mieux que « Nada » …

Peur rétroactive, et si « le jeune » avait tenu une lame, là, dans la nuit ?

Le lendemain (véridique) nous apprendrons qu’un jeune a été poignardé dans la soirée, il n’a pas survécu au trajet vers l’hôpital à Espargos. La rixe n’a pas duré 20 secondes, action, réaction euh … Allez prend le mon téléphone, je te le donne !!!

Michel, mon pote capitaine, était là, à deux pas, témoin de cette pathétique aventure, il pissait, il a tout vu mais n’a pas eu le temps de réagir, il se marre … Retour à mon annexe, mon fuel tank a disparu également, je n’ai rien vu. Je devais tracter Michel et son annexe jusqu’à son bateau puis rentrer « chez moi », nous voilà beaux … Heureusement son annexe, à lui, est rigide, bien équipée de bonnes rames … 25 nœuds de vent, nuit noire et quelques grogs dans le nez, nous voilà pagayant dans le noir quasi complet, en tractant mon annexe toute lourde. On a souffert, sacrée soirée …

Pas sorti du bateau depuis deux jours, vexation au corps.

Reste 200 € et trois boites de conserves, va falloir bouger noudoudiou.



21/03 Sal - Cap Vert (dernier après midi?)

19 jours depuis mes dernières écritures. C’est pas dieu possible. Bon vous comprenez on se la coule douce ici (et tant qu’on ne coule pas). Je cherche dans ce qui me sert de mémoire ce que j’ai bien pu fiche pendant tout ce temps …

Pèche, pèche en mer avec le Loïc … 5 ou 6 journées radieuses, heureuses, sans stress, enfin … En 4 jours, Loïc s’est construit une petite annexe rigide profilée, avec trois planches de contreplaqué, résine époxy. Intéressant ce petit chantier là (400 euros tout de même, rien que pour le matériel), ça semble si facile ... Et pour 700 € il a dégotté un petit moteur Yamaha, hors bord, d’occasion. Avec 12 Cv, il permet de faire déjauger sa petite annexe et d’atteindre presque 20 nœuds en vitesse de pointe, une vraie petite fusée ce binz ... D’ailleurs les locaux l’appellent « l’avione del mar » sa petite annexe, un peu prétentieux, mais fort pratique.

Presque tous les matins vers 7h00, lorsque la météo le permet en fait, Loïc passe à mon bord pour un « Café con leche condensado » (une douce – mais tellement dispendieuse – habitude contractée aux Canaris) puis nous allons chercher à terre les bouteilles d’oxygène. Nous embarquons le matériel en vrac dans le fond de l’annexe (fusils, palmes, masques, tubas, combinaisons, cannes à pêche, essence détendeurs, un peu d’eau), le bordel là dedans !!! Un (ou, euh, deux) petits cortados plus tard, pour la route, et nous voilà partis pour une petite heure de tape cul …

Je plonge un peu avec les bouteilles, pour rire, pas longtemps, vite mal aux oreilles … Et sans verres de contact pas évident pour moi d’y voir grand chose sous l’eau, je fais un bien piètre chasseur « sous marin », presque un danger … A moins que la poiscaille ne soit chouya suicidaire, si si ça existe …

Mon « job » c’est donc de faire la sécurité aux plongeurs, les récupérer lorsque le courant les a embarqué, les délester de leurs prises. De mon coté je pèche un peu, à la canne, une dizaine de poissons, mes deux petits kilos mine de rien, dorades, garopa et autres poissons colorés de récifs, à manger pour le soir …

Coté pécheurs en bouteilles, c’est le carnage … Ça devrait être interdit tellement il en chope (ça l’est d’ailleurs je crois – chez nous c’est sûr). En deux heures, le temps de vider l’air de leurs bouteilles, ils ramènent 20 à 25 kilos de poiscailles par personne à chaque fois. Loïc aime ça, cette chasse, ce genre de pêche. Il faut voir ses yeux pétillants de joie à chacune de ses remontées. J’aime voir les gens heureux, ça me fout la gouache …

Le plus impressionnant ce sont les murènes, sales bêtes visqueuses aux longues dents empoisonnées. Loïc ramène la (les) bestiole de deux à trois kilos pièce, dûment transpercée et « proprement » assommée de 20 coups de gourdins, et la dépose tranquillement dans le fond de « l’avione del mar ». Quelques minutes plus tard, « Ca » se réveille et gigote encore en cherchant la sortie au fond de l’annexe, tout prêt de mes tendres mollets. Mais il est où ce con de gourdin ? Je crois que sous l’eau, même avec de bons verres de contacts, je les laisserais passer moi ces foutues murènes, avec leurs grosses dents.

Au retour à terre c’est bien rigolo aussi, il faut bien la vendre cette pêche, aux locaux … Parfois, à peine débarqués sur le quai, c’est déjà vendu, en 5 minutes. Il y a là des jeunes qui, pour une centaine d’escudos, vident et écaillent les poissons, c’est leur boulot. Si l’on ne trouve pas d’acheteur directement là à Palmeira, il faut prendre un aluger pour Espargos avec un ou deux bidons de poissons vidés et de là faire la tournée des vendeuses de poissons, des restaurants, ou simples particuliers … On vend tout d’un coup, ou au détail en cash ou en troc (un poisson contre une tournée de grog ?). J’adore, c’est vraiment très … local ! Rencontres, négoces et rigolades …

Avec une base de prix comprise entre 300 et 700 escudos le kilo, fonction de la qualité du poisson, le C.A (comprendre le chiffre d’affaire) par sortie est d’environ 50 €. A quoi il faut retirer le coût de l’essence et des bouteilles (sans parler de l’amortissement du matériel) environ 20 € par sortie. Soit environ 30 € de marge nette au quotidien, avec lesquels il entretient deux « boys » ici et survit plus ou moins au jour le jour ici ... Bien joué, un peu dangereux pour la santé (2 ou 3 heures de plongée par jour par 15 / 20 mètres de fond), mais bien joué …

De mon coté, en rendant ainsi service, je mange (et bois) « à l’œil », cela n’empêche que peu à peu mon budget s’amenuise … Ces 20 derniers jours j’ai dépensé moins de 100 € (incluant la taxe de sortie de l’île), je commençais à bien m’adapter ici, dommage qu’il me faille partir … Vendu ma combinaison de plongée pour 30 € (le prix que je l’avais achetée en France) et échangé une (jolie) canne à pêche contre un générateur, me voilà un minimum autonome niveau électricité.

Dernier achat « civilisé » à un plaisancier sympa, contre 100 € un vieil ordinateur portable Dell, dont l’écran se détache d’une charnière mais qui reste relativement opérationnel … Sur cet ordi je peux enfin installer le logiciel lecteur de carte (hum chouya piraté, normal en bateau) « MAXSEA » disposant d’une base de donnée de carte marine hallucinante, le monde entier en 25 millième …

Voilà, voilà, en dehors de ces quelques journées de pêche ??

J’ai finalement pris une journée pour visiter la petite ville de Santa Maria au Sud de Sal, la fameuse ville « aux touristes ». Le site est joli, belle plage, mais le village est moche, vraiment moche, remplie de bons touristes blancs, tellement blancs, rouges écrevisse parfois ! Et la population « locale » me semble être plus sénégalaise que Cap Verdienne, bref sans intérêt. Passé rapidement à Pedra Lume, la fameuse carrière de sel, il y avait du vent l’Harmattan chargé de sable rouge on n’y voyait pas à trois mètres, il faisait chaud, sacs plastiques … Salaar sale à Sal, sans intérêt non plus …

Raté presque toutes mes photos ici. Déjà je n’y vois plus rien sans lunettes, et je crois bien que mon appareil ne parvient plus à faire de mise au point, mais je crois en fait que ce n’est pas particulièrement photogénique ici … Je voudrais tant voir les autres îles de l’archipel, le vrai visage du Cap Vert, surtout que, grâce aux autres plaisanciers, me voilà bien débriefé sur les coins et mouillages sympa ici.

Peut être au retour, avec un moteur cohérent et un peu d’argent ???

Premières astuces de contrebande (ail, rhum, fruits, clops, electronique …), mais je ne mangerais pas de ce pain là, les prisons ici me semblent particulièrement insalubres …

Bouquins, musique, poissons, désert, vent, grogs … Bien résumé ? Bon, c’est les vacances quand même, on est mieux ici qu’au boulot, pour sûr (hi hi) …

Quelques amis, pas d’amour ou d’amourette ici, appelez moi Gilles l’esquive …

Le bateau est prêt, le patron aussi … Un dernier petit grog pour la route ?

Euh non merci, todo bom.