21.4.10

Traversée Sal / Dakar (Bis repetitas)

Du Mardi 09 au Dimanche 14 Février 2010 
Cap Vert (Sal) / Dakar

320 miles, 100 % à la voile …
Au Prés (bon plein) normalement … La météo sur 7 jours prévoit un Est / Nord Est 20 nœuds au début, virant Nord / Nord Est 10 nœuds quatre / cinq jours plus tard aux abords du Sénégal. 
Impeccable pour tester la « nouvelle coque » de l'Atao …

Retour au CVD, plein Est donc, pour un nouveau changement de moteur …
Adieu veaux, vaches, cochons, Amériques … Adieu ma Roxao

A part quelques points GPS toutes les trois, quatre heures, je n'ai pris aucune note sur ce parcours.
De mémoire, je vais faire court …
Appareillage prévu le 10/02/2010 vers 15H00.

Pour son « hivernage » j'avais affourché l'Atao sur son ancre et sur un corps mort qui traînait là, abandonné depuis je ne sais combien de temps qu'un pote avait renfloué juste avant mon départ en plongeant avec des bouteilles … Seul à la manœuvre cette fois, et sous le vent une ribambelle d'embarcations, gênantes, à éviter à la voile … Merde j'ai pas fait « Les Glénans » moi …

Sans le moteur, et avec 20 nœuds de vent dans le nez, ma vieille voile mille fois recousue hissée faseille et claque durement au vent, c'est stressant ! Il faut sortir l'ancre, en force, au guindeau manuel … Et bien sûr, le contraire m'eut étonné, « ça » coince là dessous, rien à faire …

Je donne trente mètres de mou au corps mort avec une aussière de merde (c'est là que je m'aperçois que ma belle aussière de 25 mètres a disparu – « culé de José ! »), et avec la voile je dépasse mon ancre, au vent, donc … Je choque l'écoute de grand voile, puis me précipite à l'avant pour tenter, au plus vite, de hisser à bord, à la main, la chaîne et son ancre avec un angle différent. Je parviens à reprendre une quinzaine de mètres de chaîne, mais bien sûr l'ancre ne décroche toujours pas …
Ça recommence à tirer … Vite, il faut frapper la chaîne sur la bite d'amarrage, deux boucles inversée pour bloquer le tout (héhé, pas mal pour un amateur …).
Je suis trop lent, je laisse trainer un pouce sur la première boucle, qui se resserre, sur la bite, sur mon pouce, je hurle … 10 tonnes et 20 nœuds de vent qui poussent ça te mets une foutue pression, sur un pouce …
Ah les petits plaisirs de la navigation solitaire ...  
Je suis coincé … Sal ne veux pas me lâcher, merde fait chier c't'île !
Et puis tiens, je hurle encore, pour voir, « comme un cri » de simple douleur, du corps … 
Je tire, sur ma main, pas le choix, vite avant que l'os ne se broie !
La peau s'arrache, allègrement, sur près d'un millimètre d'épaisseur (la peau, la double peau, la corne) et un centimètre sur deux (et demi, si si) de large. Je regarde, comme un con, la barbaque qui pendouille … Ça ne saigne même pas ! Le pouce daigne encore se plier par simple ordre de mon implacable volonté. Même pas cassé, ouf … Même pas mal ! Si si, je vous jure ! Enfin pour le moment ! Direction la pharmacie de bord. Ciseaux, Daquin, compresse stérile, ruban adhésif … Et roule ma poule, c'est oublié. Enfin pour le moment !

Mais revenons en à nos moutons ...

J'aperçois désormais l'ancre, à moitié levée à deux trois mètres de profondeur, enchevêtrée dans un réseau de gros filins bien épais qui trainaient là dessous et d'une grosse chaîne bien coincée entre les pales de mon ancre pelle. Merde il faut plonger ! Avec mon pouce en feu je vais douiller …
Plus de palmes, plus de masque (culé de José), plus de couteau efficace pour couper les filins (culé de José), je plonge, en apnée, avec un pauvre opinel élimé de merde pour couper tout ce bordel.
Et je plonge, et je plonge, et je plonge et je plonge et … 
Bon ça va, ça va, ils ont compris MonGilou...

Je libère le « binz » de ses filins, mais la chaine trainante, coincée, sous pression, résiste à tous mes efforts … Je remonte l'ancre, en force au guindeau, jusqu'au ras de l'eau … 
Je venais de passer deux jours pour réparer mon générateur (pour ma pompe de fond de cale 220 Volts au cas ou ...), disqueuse … Moitié allongé sur le pont, le cul en l'air, je me pendouille sous le balcon, je tente de scier cette foutue chaîne, qui, avec la houle, trempe parfois dans l'eau, salée  … Énorme étincelle, coup de jus, encore une fois je morfle ! Le générateur aussi, il fume, coté bobine ...  Non mais quel con quel con quel con (ça va, ça va …).
Acharné, pugnace, je termine le travail à la scie à métaux, manuelle, « crouicrouic – crouicrouic », pendant une demie heure. Patience et longueur de temps …

Libre, libre, je suis enfin libre …

Toujours amarré au corps mort, je range tranquillement mon « bourrier » d'outillage éparpillé sur le pont, la chaîne de mouillage. J'examine mon ancre. L'axe est tordu, les pales faussées, foutue … Impossible d'imaginer mouiller avec ça de nouveau dans l'état …
Ca c'est ma seconde erreur fondamentale, de préparation, au départ de France (amis débutants si vous me lisez ...), avec « l'oubli » du panneau solaire ou d'une éolienne pour l'énergie, c'est de ne pas disposer d'un second mouillage cohérent « de secours » en cas de pépin. J'ai bien un grappin d'une douzaine de kilos, mais bon, pour 10 tonnes …
Comment je vais pouvoir mouiller maintenant, une fois arrivé à Dakar?
On verra, on verra …

Je ne décolle, donc et en fait, de Sal, que vers 18h30. Il ne reste qu'une demie heure avant la nuit noire – et oui, camarades citadins, pas de lune le 9 février 2010, et pour toute la traversée d'ailleurs (ké con) - pour m'écarter de la côte. Vous savez comme j'adore ça !
Déjà, entre mon pouce broyé qui commence à m'élancer grave, mon « coup de jus » imbécile , le soleil tropical sur la calebasse toute l'après midi, les plongées répétées pour libérer l'ancre, mas contorsions tête en bas pour scier a chaîne, je me sens comme tout mort crevé fatigué ... 
Ah les petits plaisirs de la navigation solitaire …

Je m'appuie légèrement au vent avec la Grand voile et, d'un geste ample et souple, je ramène le long bout' du corps mort, à bord. Puis, d'une manœuvre fine et élégante je guide l'Atao au ralenti entre les barcasses piègeuses du mouillage de Palmeira.

Je balance un gros doigt d'honneur à José qui, voyant l'Atao se casser, pagaie à grands tours de bras pour m'intercepter et réclamer son bon salaire pour son travail de gardiennage si laborieusement accompli.

Et me casse enfin de cette foutue île, micro poussière sur la carte du monde …
En écrasant une grosse larme d'adieu pour ma Roxao.
Adieu ma toute belle, adieu.
Et pardon encore de t'avoir abandonné là …

Bon, je devais faire court moi, sur c't'histoire de traversée… 
Déjà deux feuillets d'écritures et on se tire à peine de Sal …
On n'est pas arrivés … Ben justement !

Hisser le foc, reprise en main du bateau, de la navigation, des distances, du temps, de la vitesse du bateau, du déroulement du monde, marin … Habituels cafouillages de démarrage, trois mois déjà que je (na na na) n'avais navigué. Nuit noire donc, très rapidement, perte des repères visuels … Reprendre son propre équilibre, en mer, celui du bateau.  
« Grand largue » au début pour passer la pointe de Palmeira. 
Puis « Bon plein » pour contourner l'île par le Sud.
Puis « Tirer des bords » entre Boa Vista et Sal, sa côte illuminée par les réverbères de la petite ville de Santa Maria … 
Vingt, presque vingt cinq nœuds de vent, impossible de lâcher la barre. 
Vers minuit / une heure j'arrive enfin à caler l'Atao sur son (enfin, sur un) cap, à l'élastique …
Le régulateur n'est pas parfaitement prêt. J'ai encore bricolé, des heures, dessus, avant de partir, pour le remettre en place à l'arrache. Il « branlicotte » encore un peu. Je me refuse à le tester, de nuit, de peur de le forcer une fois encore …

Je tombe de sommeil … Je voudrais bien me reposer, mais (culé de José) je ne retrouve plus mon fidèle petit réveil rouge qui m'accompagnait depuis le départ. Je me refuse donc de dormir, si près des côtes, et si d'autres bateaux, ou si le vent tournait, en deux heures on serait « à la côte » (je me souviens encore de cet effrayant réveil au – tout petit - large de Sao Vicente) …
Déjà mort crevé après à peine 6 heures de nav', pas bon ça ...

Et me souvenir de la petite phrase de « Captain H », un « vrai » navigateur solitaire: « Moi, en mer, je dors tout le temps ! Pour être à 100% opérationnel le jour où tout foire, si soudain il faut tenir la barre 48h00 de suite, pour être clair dans ma tête et frais physiquement si, d'un coup, il faut effectuer une manœuvre en force ou délicate  ».

Sûr elle a dû être mieux dite, écrite, cette petite phrase, par d'autres marins, en d'autres temps … Doit bien exister un vieux dicton marin pour ce « concept » là.
Bref première nuit, longue, de veille, noire, de mémoire …
Abrège, fils, abrège !

Au petit matin, devinez quoi, un gros glouglou dégoutant dans les fonds de cale!
Ca a cogné fort pendant la nuit, vent presque de face, jolie houle, vent Est Nord Est. 
T'en voulais du test, et ben voilà, t'en as eu, t'es testé, t'es content ? 
Je vous passe le « mal au cul habituel », commence à être blindé celui là, au moins …
Même pas mal, sauf au pouce, ce matin là ...

Au mouillage, en trois semaines, je n'ai vidé les cales qu'une seule fois, le jour du départ justement, pas plus d'une vingtaine de litre. José m'a dit qu'il n'avait jamais fait fonctionné la pompe de cale en deux mois ...

Pour économiser mes batteries, peut être par masochisme aussi (pourquoi pas), je vide ça « au seau », comme « à la belle époque ». J'en compte 12, à huit litres de moyennes, ça fait, Hum … Environ 100 litres en treize heures !!! Bon, positivons, disons tentons (de positiver). C'est vachement moins pire qu'avant non ? Treize heures ça laisse le temps de dormir au moins … Comme un gros « Gniarrrr » dans ma tête ! Puis 9 seaux en douze heures, puis 6, puis 5 … C'est mieux non ? Mais bon le vent baisse, et peu à peu s'installe au « Norois », la houle suit, ça cogne de moins en moins ...  En fin de parcours pétole (j'y reviendrais) plus une goutte dans les fonds de cale ...

Deux explications encore possibles aujourd'hui:

Soit, toujours ce scénario de merde, c'est cette foutue étrave qui bouge quand ça cogne ; Et là bien sûr c'est la merde, à mort, chantier (très) lourd donc (très) cher ...

Soit, peut être, peut être, que les bordés, des œuvres mortes (partie émergée de la coque je vous rappelle – faut que je cesse de vous prendre pour des abrutis, je sais, merci), desséchés par le soleil tropical faute d'avoir navigué pendant presque trois mois, se sont légèrement écartés, puis au contact de l'eau qui se sont peu à peu refermés au contact de l'eau … Et puis aussi, lors du dernier chantiers, j'ai calfaté quelques bordés au dessus de ligne de flottaison qui n'ont jamais été humidifiées, jusqu'à cette traversée … « On » peut toujours rêver, non ?
Et puis par le pont, hein, le pont en teck, au prés serré, et les vagues qui déferlent sur le pont. Vous imaginez pas ça vous, bien installés dans vos canapés (hihi) … Et le pont, donc, là, l'était bien desseché, lui aussi, et le temps qu'il regonfle, le bois … Quoi ? Je rêve, Herbert …
Ah bientôt à moi les réverbères de Paris !!!

J'ai abandonné, à Sal, mon (second) joli réservoir inox, d'eau douce (tant pis elle, l'eau douce, vous le savez désormais, j'en bois pas trop, de l'eau ! Et je ne me lave pas trop souvent, non plus, alors ...). Il se situait sous la couchette avant et bouchait toute la visibilité (et l'accessibilité) sur la coque, à cet endroit, critique entre tous, pour mes voies d'eaux justement, salées … J'y vois bien là quelques coulures, d'eau salée. Semblent venir plutôt du haut cette fois, que du bas, comme autrefois …

Mais bon, j' soliloque là, j' soliloque ...
Futilités … Et comme un sentiment de déjà dit, déjà dit, déjà dit !!!

Foutra marre d'écrire, m'en fous je veux publier ce soir.
Je veux passer à la prochaine chronique, qui est totale (euh) « captaingilesque », passionnante, invraisemblable, z'allez voir ce que vous allez voir – vous allez tomber sur le cul mon bon voodoo – P'tain d'marabout !

Donc, je vous passe la casse de la petite plaque inox de deux centimètres sur trois en bas du tube de l'aérien du régulateur d'allure qui s'est rompue le deuxième jour après mon départ me contraignant à tout « faire » à l'élastique, expliquant ma dérive nord et ces putains de 5 nuits et quatre jours pour rejoindre Sal à Dakar. Panne, nouvelle, et tellement improbable que … Euh j'en pète de joie !

Donc, je vous passe l'épisode du poisson sabre de presque quatre kilos péché aux abords de Dakar.

Donc, je vous passe ce putain de nouveau foc (presque neuf) ramené de France qui s'est décousu sur deux laizes en même temps (le premier jour, de nuit, bien sûr …) sur plusieurs mètres (fil pourri) …

Donc, je vous passe ces deux horribles jours de pétoles à moins de 15 miles du CVD, à slalomer (à 0.2 nœuds de vitesse pure) entre les cargos aveugles qui eux filent à trente nœuds, de jour, comme de nuit, les cons … 

Donc, je vous passe les 10h00 de cette anxieuse et dangereuse attente, à dériver vers la cote, juste devant la marina de Rufisque, à moins d'un quart de mile du mouillage du CVD, cause d'une pétole absolue, et cause, bien sûr, de cette foutue panne moteur (culé de José – pour la dernière fois j'espère, lui je vais l'oublier vite ...). C'est long 10h00 de dérive … Quand je pense que je parlais de mes envies de méditations, au début de cette foutue aventure … Ben là, môssieur, est servi !

Donc je vous passe mon superbe atterrissage, à la voile SVP, à couple du bateau (de 18 mètres) de « Captain H », pour éviter « de piocher » avec ma pauvre ancre, faussée ... 


Et surtout je vous évite ces purs, durs et lancinants moments de solitude tout le long de cette putain de cette première croisière sans ma pepette, ma bebelle, ma princesse, ma Roxou ...


Et voilà c'est torché pour cette traversée, je relis pas, c'est dans la boite.

Et puis il y a le passeur du CVD, qui fait faillite (j'y reviendrais peut être, aussi) qui m'attend
Pour le CVD, la faillite pas pour le passeur (Quoi que ...)
Couvre feu à 20h40 désormais.


De Dakar

« Captaingils » et son bel l'Atao
Désormais classé « bateau ventouse » (du cauchemars devenu réalité)

Vous embrassent tous.

Ou

« Naka N'dieng L'iengo » 


Au revoir (local) en Wolof (euh) très phonétique … Traduction du genre : « Et bon amour à toi ce soir ». Au revoir, chouya ironique, soufflé par une petite du bar d'ici, qui me voit planté tout seul devant mon ordi, depuis au moins quatre heures ...

20.4.10

Retour vers le Cap Vert

Malgré la rage au ventre qui m'étreint, rempli de la disparition de Roxao, dans l'avion je me sermonnais : surtout, surtout pas d'inutiles colères... José (son gardien Capverdien) allait surement me servir je ne sais quelle innocente histoire, quelque mystérieuse maladie, pour me faire passer la pilule ..  De toute façon, rien ne la fera jamais revenir !

Ne rien dire, ne rien reprocher, enchaîner … 
Préparer l'Atao, ravitailler de suite (bouffe, eau et gasoil), et, sous huitaine, me casser, fissa, transat direction les Caraïbes ... Et naviguer, naviguer enfin, sans autres souci que bouffer du mile, plein Ouest, direction les Amériques ...
Via Mindelo sûrement, pour tester l'Atao, avec qui, depuis mon dernier chantier, je n'ai fait que quelques sorties côtières, pour aller à la pêche, sans trop le forcer sous voile, au prés, pour savoir si mon changement de bordés et mon calfatage tenait le coup … Je ne voulais pas « l'hiverner » avec d'éventuelles nouvelles fuites.
Si tout va bien, départ fin Janvier, le timing est impeccable, pour les Alizés, en 20 (25) jours de mer maxi c'est torché, La Barbade, remonter les Antilles, puis revenir en France. Avec (enfin) un peu de bol, ça aurait pu se jouer … Mais bon le « bol » ce n'est pas ma spécialité ces derniers temps !

Deux mois et cinq jours d'absence.
Le plus simple c'est que je liste les dégâts (et les vols)

Moteur serré.
Ils ont fait entrer de l'eau de mer dans les cylindres, puis ils ont laissé ça mariner, puis rouiller … Et oui encore une fois !
Je l'avais briefé pourtant, ne pas insister au démarrage …

Moteur Johnson de l'annexe en vrac.
Je l'avais rentré dans le bateau avec interdiction absolue d'y toucher, il commençait à merder, l'hélice patinait, un peu … A mon retour, je le retrouve au cul de l'annexe rigide que Loïc a offert à José, tous les pêcheurs du coin s'en serve pour leurs transferts à leurs canots de pêches … Il ne crache plus d'eau mais qu'importe (turbine foutue). Il ne fonctionne plus qu'au ralenti, l'hélice patine comme une folle. L'embout de connexion d'arrivée de gasoil a disparu (volé un soir au quai paraît t'il), ils ont décanillé le capot et branchent le tuyau en direct, après le filtre de gasoil. Ils tournent sans huile de mélange, ça coute cher l'huile de mélange ... La poignée de portage est cassée, le capot ne tient plus sur son socle ...

Mes Batteries neuves vidées, 
Celles que je viens d'acheter à Dakar, deux fois 70 ampères seulement, que j'entretiens comme la prunelle de mes yeux. Elles sont épuisées, à sec, 5 volt au compteur … Les deux batteries de servitudes, la batterie moteur … Il me restait, en sécurité trois vieilles batteries. Elles tiennent mal la charge, mais je les avais rechargées, je les gardais en secours … José à viré les nouvelles vides,les a remplacé par les vieilles, vide puis il a tout laissé en vrac. L'une d'elle a tout bonnement disparue … 

Balcon avant arraché.
Il ne tient plus que par trois vis … Un plaisancier, paraît-il, m'aurait bingué à son arrivée de nuit et ce serait barré illico après le choc … José était à terre, il n'avait rien pu faire... Moi je soupçonne fort, le catamaran « trimballe couillon » qui fait du « Day Charter » mouillé à coté de l'Atao d'avoir encore fait des sienne. Je l'ai déjà vu cogner trois bateaux, de suite, lors d'une sublime manœuvre d'atterrissage, arrachant tout au passage …

Régulateur d'allure faussé
Je l'avais démonté avant de partir ne laissant que le socle. Il est tordu, une des barres de soutien pendouille dans l'eau, un des coté du socle a « mordu » le bois sur près d'un centimètre de profondeur. Un choc encore, avec une pirogue « bourracha » (bourrée) surement 

Œuvres mortes constellées de chocs
Pendant le chantier j'avais repeins, une fois encore, les oeuvres mortes (la coque hors de l'eau), en blanc. Un laque glycéro pas chère mais bon, c'était propre … Traces de rouge, de bleu, de vert, de jaunes me voilà « logotisé » à l'africaine ! Ce sont des traces de barques qui ont abordé l'Atao sans manières. Putain ça a du être la fête là, en mon absence! Mes quatre barbatages ont disparu ...

Gazinière hors d'usage
Elle « gît » sous un centimètre d'huile. Plus un pet de gaz n'en sort, de toute façon mes bouteilles de gaz ont disparu (je finirais par les récupérer, vides bien sûr). Il faut tout démonter, les gicleurs sont bouchés. Elle n'est plus toute neuve cette gazinière, un peu corrodée au démontage tout s'effrite  entre les mains, il faudra ressouder, remplacer, modifier … Impossible d'imaginer de naviguer sans pouvoir faire à manger. La réparation de cette gazinière ça représente, avec les moyens du bord et les soudeurs à l'autre bout de la ville, des heures et des heures de boulot. Bordel même un coup d'éponge il aurait pas pu donner ce con !
Je ne récupérerais pas mon four, la molette de variation du gaz est faussée. Adieu petits poissons en papillotes (quoi que dans la cocotte ?).

Et puis cette crasse, cette crasse infâme …
Depuis le départ, je n'avais jamais eu de « Cucarachas » (cafards), désormais ils pullulent ...
La poubelle, pleine, est couverte de jolis petits asticots blancs ...
Les chiottes, bien entendu, sont bouchés (et ces odeurs!!!). La cuvette est pleine d'une bonne vieille merde rancie toute verte, toute gluante de mon bon José. Il faut vider « ça », démonter, nettoyer la pompe, déboucher les tuyaux, débloquer les vannes …
Puisque qu'il(s) n'avai(ent) plus de batteries, pour s'éclairer, ils utilisaient des bougies ... Mais pourquoi donc utiliser une petite assiette pour poser la bougie ? Sur la table du carré (marquetée) des litres de cire figée, sur la table à carte, et la cuisine, la salle de bain, la cabine avant, au sol aussi … Hey, Mongilou, de quoi tu te plains, ils auraient pu foutre le feu aussi !  Ouch, frayeur rétroactive … La lampe à pétrole (que m'avait offert ma mère au Canaries, et qui m'a sauvé la mise bien des fois, en mer, est cassée, poubelle …).
Roxao a eu ses dernières chaleurs, avant de mourir … Tous les draps, les housses de coussins du carré sont salis de petites auréoles de sang séché … Sa dernière missive, horrible testament...
C'est trop gore, à vivre, il faut laver, ça, aussi ...

Les fonds de cale sont couverts d'huile moteur. Mais bordel d'où qu'elle vient celle là ? Même avec de l'eau de mer plein les cylindres, l'huile n'aurait pas dû s'échapper … Il faut nettoyer, au chiffon … Puis remplir d'eau de mer, et nettoyer de nouveau, au chiffon … Il est tant d'interstices dans les fonds d'un bateau en bois où l'huile s'immisce, puis rejaillit … Impossible de laisser ça en l'état, je ne peux pas me permettre à terme de boucher les pompes de cales …
Ce faisant, je « récolte » des tonnes de poils de ma Roxao. 
Dernières caresses odieuses, huileuses, poisseuses …
Nausées !

Et José toujours de se pavaner sur les quais de Palmeira, réclamant son bon salaire pour ce travail de gardiennage si laborieusement accompli ! J'y reviendrais …

En deux mois la ligne de flottaison s'est couverte d'une épaisse chevelure d'algues. A gratter ...
Et le pont, le mat sont recouverts d'une fine poussière rouge gluante et de merdes de piaf. A nettoyer …


Et puis toutes ces bricoles aussi qui ont mystérieusement disparues :

Par mesure de précaution avant de partir, à tout hasard, j'avais démonté toute mon électronique de navigation (écran radar, GPS, VHF, radio BLU ...) et quelques autres bricoles (jumelles, compas de relèvement ...). Pas que je me défiais de José, je le croyais honnête à l'époque (et Loïc était censé le surveiller) mais les « visites » des bateaux de plaisanciers sont « courantes » à Palmeira …  J'avais confié un gros sac à « Jany », un italien expatrié, installé à terre depuis plusieurs années. Bien m'en a pris … Sauf que, à mon retour, surprise, la cerise sur la gâteau, Jany a déménagé … Fermant maison, boutique et tutti quanti … Pendant huit jours j'angoisse pour mon sac, là je suis cuit ! J'arrive finalement à le joindre par téléphone. Il s'est installé à Mindelo où un nouveau juteux business l'attendait (Ah ces hommes d'affaires). Il a confié mon sac à un pote de toute confiance à Espargos … Finalement je récupère mon sac, au complet. Merci Jany ...

Mais jour après jour je m'aperçois qu'un tas de petites bricoles manquent à l'appel, des petits rien, des petites choses, que l'on néglige, quand elles sont là :

Quatre de mes six barbatages
Une batterie
Deux rames d'annexe
Deux casseroles
Deux gros couteaux de cuisine
Trois assiettes (logotisée « Atao » aussi vieilles que le bateau)
Un gros seau noir
Un petit réveil rouge
Une aussière de 25 mètres
Une bobine de fil coton de 4mm de 100 mètres
Un ciré et un pantalon ciré vert
Quelques Tee shirt, un pantalon, deux shorts
Un téléphone (dont l'alimentation est foutue mais réparable)
Un détendeur de gaz « de sécurité » - celui en place est foutu également
Deux tournevis, une clef à molette, une scie, un cutter
Deux clef à pipe (de 10 et de 13 bien entendu), du scotch de bricolage
Une lampe torche étanche
Mes palmes mon masque mon tuba
Ma boite à pêche (hameçon, plombs, leurres, fils …)
Un duvet et un drap
Un bidon de 20 litres d'eau
Quelques bouquins, en Français les cons …
Ma carte maririme du Cap vert ...

Mon stock de piles (les grosses, les moyennes et les petites) une quarantaine en tout (pour la BLU, les lampes torches, les lampes Led, le GPS de secours …) …

Mon sac stock de manilles, serres joints, serre tuyaux, poulies a diminué de moitié

Mon stock de bouffe a été pulvérisé, il ne reste pas une miette de rien!
En partant j'avais 3 étages de boites de conserves dans un équipet : 3 kilos de riz, 3 gros paquets de nouilles, des sauces tomates, des paellas, des cassoulets, des raviolis, du maïs, des haricots verts, des confitures, du nutella, du café, du nescafé, du sucre, du lait en poudre, des mayonnaises, ketchup, piments … 
Enfin bref, le bordel habituel d'une cuisine de bord de célibataire fauché vaguement équipée il ne reste rien, walou, nada. 
Seules quelques des boites vides aux fonds moisis qui trainent, histoire de « faire » du volume ...

C'est risible au départ de France ce type de disparition, de bouffe …
Mais ce stock c'est une sécurité à bord au cas où …
Et pour le remplacer au Cap Vert … La bouffe ça coûte cher, mais d'une force ...

Je ne supporte plus cette pauvreté chronique qui me rend mesquin.

Et José toujours de se pavaner sur les quais de Palmeira, réclamant son bon salaire pour ce travail de gardiennage si laborieusement accompli ! J'y reviendrais …

En fait, par mille petits désordres, je me rends compte que chaque équipet a été retourné, visité ...
De la poupe à la proue ...
Cette liste n'est pas exhaustive, j'en suis sûr …

Les premiers jours il faut vivre sur l'Atao au mouillage, pas d'annexe (mon Zodiac est toujours décollé « du fond », le moteur hors bord flingué …), je suis totalement dépendant des autres Capitaines pour mes transferts « à terre », à l'aller comme au retour … Pas de lumière, pas de gaz pour le café du matin et la bouffe quotidienne, pas de chiotte, la crasse chronique, les cafards … Pas fait pour améliorer  
Je ne m'aperçois que quelques jours plus tard que le moteur est complètement serré, une fois les batteries rechargées … Blocage, blocage …

Très rapidement mes relations avec José s'enveniment … 
Le second jour il me dit à propos de Roxane que « Yo no soy Deos ». « Je ne suis pas dieu ».
Qu'elle est morte tout à fait « naturellement », de maladie. J'apprends par des plaisanciers qui étaient présents la veille de sa mort Roxane gambadait tout à fait normalement sur le quai, qu'ils lui avaient fait un calin. Je n'arrive pas à la croire, j'ai envie de le tuer, je ne le veux plus dans mon environnement ...
Dès le second jours je lui interdit l'accès à l'Atao, foutu branleur. C'est une masse, de muscle, le José, au final … Et moi je suis plutôt, à la base, un « non-violent » … Mais au fur et à mesure que je comprends l'étendue des dégâts la haine me monte …
Et lui toujours d'exiger, toujours en public, quatre cents euros d'émolument pour sa magnifique prestation sur mon bateau (le salaire mensuel d'un instituteur ou d'un policier ici).
Et moi, également en public, d'énumérer la liste des dégâts, des « trucs » qui manquent ...
Les Capverdiens se marrent …
On frôle la baston, une fois, deux fois, trois fois …

Dans cette ambiance « géniale », il y a « Captain H » qui est présent  … Lui avait confié son bateau à Loïc - le Français dont j'ai souvent parlé ici – qui est rentré en France le mois précédent mon retour, dont José était le « factotum » et un peu le « garde du corp ». En partant Loïc a laissé les clefs du bateau de « Captain H » a José. Sur son bateau (de « Captain H », donc) il manque pour près de 3000 euros de matériels divers … « On » a vu José débarquer des tas de choses (en annexe) de son bateau. Légitimement « Captain H » va voir la police locale pour porter plainte contre José.

Solidarité insulaire, les policiers refusent catégoriquement d'enregistrer sa plainte, ou d'intervenir d'une quelconque manière à ce sujet … Il n'y a donc aucun recours possible de ce coté là !





Un Dimanche soir à Palmeira, tard … Comme tous les Dimanche soirs à Palmeira, l'ambiance est électrique, cortadisée (le fameux Rhum), tout le monde (enfin une grosse majorité des gens) est « bourracho » (bourré) – On enchaine les « Pinch » (les brochettes), on boit, on vit quoi …
Certains fument le crack bien sûr (moi pas), certains draguent (moi pas), certains dansent (moi aussi, un peu …). 

Fin de soirée, « Captain G » et moi même nous dirigeons vers son annexe pour rentrer, en ligne droite si possible, à nos bateaux respectifs. José apparaît, déchiqueté, agressif … Il me demande un peu d'argent pour.
Je lui répète, pour la centième fois, qu'il peut toujours se coller, et que jamais jamais jamais il ne recevra un centime (enfin un cent d'escudos) de ma part pour sa si brillante prestation …  Moi aussi je suis un peu chaud, voir très chaud, comme la braise d'ailleurs, la haine et la rancune aidant !
Je lui re balance Roxane dans la gueule et, et, et …
Très clairement je le ridiculise devant ses trois potes qui sont là!
Je les connais, ces trois gars là, des pécheurs du coin, pas des méchants dans le fond, je le sais, rien à craindre de leur coté. Ils ne se mêleront pas de l'embrouille, si embrouille il doit y avoir …
D'autres personnes sont là !
Tout le monde se marre … C'est la fête à Palmeira.
Ambiance baston sur le quai du village de pêcheux, normal, pour un Dimanche soir …
On se colle nez à nez, on s'insulte, mais aucun coups ne part … Non je ne frapperais pas le premier, mais qu'il me touche seulement et je l'explose, parole d'homme. A ce moment là, je suis prêt pour lui mettre la plus grande tannée de sa vie …

 Finalement la tension baisse, il s 'éloigne, ce ne sera pas pour ce soir …

Je me détourne, je pense à « quelque chose d'autre », José disparaît de mon « champ de vision » ...
Je me souviens, je me baisse pour caresser « Nice » le chien de Paul, le charpentier naval de Palmeira, le dernier amant de Roxao (« Nice » pas « Paul » si vous me suivez … J'écris au kilomètre, à c't'heure, pardon).

Et là je me prends une manchette de la mort en plein menton.
C'est José qui, tout remonté, est revenu en traître, pour me foutre un pain dans la gueule …

Je suis à moitié sonné ! Je crache une dent … Merde encore une …
Je réalise que je viens de me prendre un pain, par cet enculé de José.
C'est l'heure de l'ahali ...  

Je me précipite sur lui pour lui défoncer la gueule, enfin …
« Captain G » me hurle alors « attention » il a un couteau …
En effet il a un putain de « knife » de pêcheur entre les mains.
Je me calme …
Je me casse, piteux …

Merde je viens de me prendre un pain dans la face !
Et nous en resterons là, jusqu'à mon départ.

Les jours suivants je gratte, je lave, je répare les merdes de José. J'ai la haine au ventre de ne pas avoir au moins pu décoincher la gueule de cet enfoiré de José, l'assassin de ma chienne. Je ne suis pas un « fighteur », je ne suis qu'une merde … Je vous emmerde …

Je resterais trois semaines à Sal, le temps de nettoyer tout ça ...
Je démonte le moteur tout est bouffé de rouille là dedans, c'est irréparable … 
Il faut changer le moteur, une fois encore ...
Je décolle de là bas le 10 Février 2010, direction Dakar donc, pour changer mon moteur Peugeot diesel.


Nb: Ci dessous la photos de la gueule de cet enfoiré de José, il s'appelle Joseph en fait.
C'est le black au premier plan – derrière c'est ma gueule à moi tout maigrelet avant mon départ pour la France – putain c'te sale gueule que j'ai en ce moment.

Amis plaisanciers qui me lisez, si de hasard vous passez par Sal et que vous rencontrez cet enfoiré. Faites lui juste de ma part les plus profondes « AMITIES DE ROXAO », il comprendra ...

Je suis certain, qu'un soir, bourré, il l'a tué, par inadvertance …

Et surtout surtout surtout ne lui confiez pas votre bateau en gardiennage. Ce type est une pauvre gars incompétent et voleur … Au dernières nouvelles il gardait un bateau nommé TOUCAN. Le voyant s'occuper de mon bateau, et de celui de « Captain H » je suppose que son propriétaire était en confiance. 
Pauvre, pauvre capitaine du Toucan, si je savais comment le prévenir  ...








19.4.10

Et paris qui bat la mesure ....

Mon « entracte parisien » a duré « Deux mois et cinq jours »,
du 15 Octobre 2009 au 22 Janvier 2010. à résumer, « Taf taf », donc ...
Pfuitt pfuitt, Roxane t'étais où ma toute belle ?

J'ai eu trop de mal à « construire » ce texte, il m'emmerde à mourir
Peut être parce qu'il me contraint de reconnaître, à travers lui
La précarité dans laquelle j'ai finalement fini par plonger ma vie
Le prix à payer après trois années de « vacances », marre de gémir 

Réalité, âme en bois, bite en beurre, dis nous Paris
Vite, vite écrire, puis clore ce chapitre, et expire
Encore une fois vous n'êtes pas obligé de me lire
Ces divagations m'aident juste à évacuer l'ennui

Donc,

J'ai été drôlement fainéant, indolent et inefficace, à Paris!
Comme un vrai « Séné gaulois » à Paris ...

Déjà il me faut remercier, tous ces généreux et talentueux cuisiniers qui m'ont permis de reprendre 10 kilos, de gras, en deux mois, fallait bien ça, je devenais plus léger que le vent … Énormes Steaks bien épais sauce au poivre et sans mouches, gigots saignants à l'ail, ah, que ça fait du bien, le goût de la vraie barbaque coupée dans le bon sens du fil… Raclettes et œufs de cailles, ah du vrai fromage qui pue et, noudoudiou, ce roquefort immortel, et cette paella gargantuesque, ou ce repas chinois: nems variés, raviolis vapeur, petites saucisses fourrées de coriandre, canard laqué  … Et puis le bon foie gras frais du jour, et le chocolat fondant sous la langue … 
Et puis le bon vin bien de chez nous … 
Et le Champagne...
C'était Noël, boustifailles à gogo, Burps …

Hébergé dans le petit deux pièces cuisine de ma mère, Porte d'Orléans. J'ai honte mais je flemmarde, un peu, beaucoup … Le WE, super gentiment, ma « colocatrice » me laisse l'accès à mon ancien HLM parisien, Hausmanien, dans le huitième. Et les souvenirs se ramassent à la pelle, vieux repères, vieux voisins, vieux commerçants … Orgie d'eau dans ma vieille grande baignoire. Et de sourire en pensant qu'à chaque bain où je me prélasse, je « claque » la valeur, en eau douce, de mes deux réservoirs sur l'Atao qui me permettent de vivre parfois deux mois … 
Je fais acte de présence auprès des voisins, les gérants HLM de la ville de Paris sont très susceptibles sur leurs ayants droits ...

Consultation d'un médecin « en fraude », il faudra acheter des médicaments « en douce » en utilisant la sécurité sociale « d'un autre », dont je tairais le nom, ici, pour d'évidentes raisons de confidentialité, merci à lui … Je me suis enfin débarrassé de mes amibes mutantes et de mes staphylocoques perforateurs, il a fallu presque un bon mois, de soins journaliers, sans sable ni eau de mer, et des compresses stériles ultra performantes, ultra absorbantes, modernes quoi, qui ne collent pas au « pus qui sèche », si voyez ce que je veux dire, amis de la poésie bonsoir … 
Toubab à fini par maîtriser ses bénins bobos !
J'ai fini par trouver (sur internet) une nouvelle paire de lunettes (non remboursée), sur foi d'une ordonnance  d'un ophtalmologue consulté il y a plus de cinq ans. J'y vois toujours un peu flou, surtout de près, mais bon, c'est bien mieux que sans ...
Pour les dents il n'y a rien eu a faire! C'est vraiment bizarre, quand tu n'as plus de couverture sociale, comme la liste d'attente chez les dentistes s'allonge à l'infini. En insistant lourdement tu finis par obtenir un rendez vous pour … Dans six mois … Je garde et garderais encore longtemps mon « sourire de SDF » comme l'a définit si gentiment un de mes potes …  Et de toute façon, pour l'esthétique, des dents, avec la CMU (que je n'ai finalement pas réussi à obtenir), c'était pas gagné d'avance …

Bref, pas facile pour retrouver du boulot avec ce sourire de gniouf …

J'en ai cherché, un peu, du boulot, un vrai, au cas où, coup de bol … J'ai envoyé plus de quarante CV, qualifiés, sur annonces parues dans la presse spécialisée « dans ma branche » les trois mois précédents. A des postes qui semblaient me convenir, de cadre (pourquoi pas), où pour des petits CDD de merdouille, de technicien de base, en haute banlieue, du genre de travail d'esclave sous payé. Je n'ai reçu pas reçu une seule réponse ... Elle n'est pas très solide, ma branche, en ce moment, avec la crise économique vous comprenez mon bon monsieur... 
Bon j'insiste pas, de toute façon j'avais pas vraiment envie de travailler.

Il y a l'Atao, là bas, seul au mouillage
Et puis, Roxao, aussi, qui t'attends ...

Par des potes, amis et famille, je parviens quand même à « faire » un peu d'argent, quelques chantiers, manuels (hé oui encore). J'ai retapé, une salle de bain, des chiottes, pas trop glorifiant comme job. Il faut gratter, sécher, plomber, poncer, poussières de plâtre dans les poumons, puis une laque colorée, légère … Ce n'est pas ma spécialité, mais le résultat au final n'est pas mal … Puis l'ami Nico m'embauche une huitaine pour relever une barrière dans sa petite maison de Gif, poser quelques étagères, installer un insert, une porte coulissante dans la chambre des enfants. J'ai même joué au mécanicien, moi, Captaingils l'ignare en ces choses, mais bon, c'était un moteur Peugeot, « ma », euh, spécialité … Et heureusement la panne était bien simple ... 
Bon an, mal an, ces quelques « recettes » me permettent tout juste « d'étaler » mes dépenses parisiennes. Mais de là à provisionner un petit budget pour la suite de ma croisière, il est … un océan … Panique !

Je ne suis donc plus rien, euh socialement … C'est bien la première fois de ma vie que je suis à ce point « plus rien » ! Et dieu que c'est long à obtenir un « statut » de « plus rien ». Tous ces papiers de SDF, de RMI, puis la CMU, faut être un intellectuel pour les remplir … Il faut solliciter, dans le bon ordre, dans de mystérieux bureaux où trônent de bien gentilles « Dames machines » bien impuissantes à me caser, tout entier, dans les petites cases à cocher dédiées à cet effet, pour nourrir, la machine. Il faut faire des lettres et des courriers, il faut coordonner tout « son » monde, et surtout il faut que les machines de là aient l'accord des autres machines de là bas ...

Et puis merde, vous nous faites chier d'être à la rue, en plein pendant les fêtes de Noêl, 
Revenez début Janvier, on verra ce qu'on peux faire pour vous ...

Donc c'est clair, en France, désormais, je n'existe plus, je suis mort, socialement ...
Sauf pour les impôts qui eux ne lâchent rien, même si je ne gagne plus rien, juse histoire de bientôt m'interdire bancaire, ça ça sera pour le « pompon » de la misère ...

Je fais la tournée des quelques (rares) potes qui restent. Sympas, il me rincent et me nourrissent « à l'oeil », merci à tous. Je ne suis pas très loquace, comment expliquer ma voguante et fuyante épopée … Et puis, décalages, eux ont toujours le nez dans le guidon entre business, licenciements, primes de fin de mois. Et les enfants qui grandissent …

Alors,
En deux mois j'ai rattrapé trois ans de vie sans télévision … En résumé, elle n'a pas changé ! Ces longues nuits sur le canapé du petit studio de ma mère ! Ça tombe bien Noël c'est le moment des « Grands Bêtisiers », d'excellents résumés des dernières contorsions du PAF et du monde ...

Et puis « le Web ». Ah les joies de la « connexion illimitée ». 

Je commence par éplucher les sites de mes si gentils critiques de STW et Hisse et ho, leurs cafés du port, leurs dissidents, et cette foultitude de conseils techniques ... Pas con, pas mal ! Je devrais lire plus souvent, ça m'éviterais de faire tant de conneries, mais là n'est pas la question … J'essaie d'y faire une ou deux interventions, avec mes gros sabots. En fait je crois qu'il est préférable que je reste dans mon coin, dans mon blog, un simple concept « maladroit », pour eux, les professionnels de la mer ….

Mais surtout je découvre la « blogosphère », l'incroyable développement de ces « réseaux sociaux », des twitters, des geekers, des faces de bouc, et tout ça et tout ça … Je n'ai aucune notion de la profondeur, la largeur « du binz » … Mais qui sont tous ces gens? Ça n'existait pas, tout ça, il y a trois ans … Enfin je ne pense pas, je n'étais pas très curieux, de ça, avant de partir … Et qu'ils te parlent de cuisine, ou de comment qu'ils poussent leurs enfants, ou de leurs collections de petits soldats de plomb, ou de leur vie à l'étranger, ou … Et ça chante la vie qui passe, avec (parfois) un vrai talent, de l'humour et du panache … Certitude que cet outil, l'informatique, l'information est en train de changer l'humanité irrémédiablement … Je suis épaté, subjugué, comme nous tous je suppose … Bref j'y passe des heures, des jours, scotché devant la téloche, et l'ordi.
Dans le petit appartement parisien de ma douce môman.
Que ferais je sans elle …

Puis, jalousement, d'enfin relire le mien, de blog, mes textes, mes tristes mots que je croyais parfois si rigolos … Futilités ... 
Gémir n'est pas de mise ...
Il est si difficile d'écrire "gai".

Bref,
J'ai été drôlement fainéant, indolent et inefficace, à Paris!
Comme un vrai « Séné gaulois » à Paris ...

Qu'est ce que je pourrais bien dire pour rendre ce chapitre intéressant ? 
Paris « noêl », Paris lumières, Paris chômage, Paris « sécurité sociale », Paris télévision et connexion illimitée … Bon, ça, c'est fait, c'est dit ! Futilités ...

Aucune douce Pénélope ne m'attendait au retour …
Puis un matin j'apprends que Roxane est morte.
Envie de vomir, constante.

Je lance, sur la toile, un appel d'offre d'équipier(e). Qui sait ? 
Une jolie croisière Cap Vert / Caraïbes sur un Yacht classique avec un super Capitaine hypra sympa ! Existe t'il au monde quelque inconscient aventurier(e) prêt(e) à risquer sa vie sur ma passoire flottante ? Hé bien oui ! Je reçois trois incroyables réponses …

Un jeune néophyte aventurier de 20 ans !
Un couple de deux gars qui sillonnent l'Afrique de l'Ouest depuis deux ans !
Et une jeune et jolie (du moins je l'imagine, je ne 'ai jamais rencontrée) Gwendoline très motivée, qui s'accroche en me rappelant au moins trois fois ! Ah Gwendoline, je te vois déjà venir avec tes gros sabots sur mon pont de teck ! (Oui j'assume, je suis devenu un abominable macho)

Je reçois leurs réponse alors que je n'ai toujours pas e moindre fifrelin en poche pour enchaîner !
Et puis, prendrais-je charge d'âme(s), alors que moi même, n'ai jamais navigué que tout seul ?

Et sur ce rafiot de merde, à qui je n'accorde plus qu'une confiance vraiment limitée ! Pour être plus précis à ce sujet, seul j'assume parfaitement mes « prises de risques » avec l'Atao, en tout cas, jusqu'ici, je les assume avec le calme et la sérénité nécessaires … Mais avec une ou deux personnes éventuellement hystériques ou malades à bord, je n'en suis pas si sûr ... 

Lâchement je les dirige tous vers mon site internet !
Étrange, je n'entendrais plus jamais parler d'eux …
Et Neptune de hurler de rire ...

Début Janvier, après les fêtes, je traverse la France, en solo, en voiture, que très gentiment on me prête, la fameuse Peugeot juste réparée. Trop cool le plaisir de conduire, ça faisait si longtemps. La neige, la France, direction Marans, en Charente Maritime. Les potes du « dépôt du marin », m'ont accueilli, vraiment bien accueilli. Dominique et Guillaume (et Jack Daniels aussi) m'ont offert quatre focs et une petite grand voile d'occasion mais en super état. Et puis des « petits tétons » pour mon régulateur d'allure. C'est tellement important, si, si ! Ces gens là sont des potes, à vie, même si ils ne le savent pas encore … Si un jour vous avez besoin d'un coup de main les gars, vous pouvez compter sur moi.

Au retour, je lutte contre cette terrible et insidieuse envie de passer par la Rochelle, port des Minimes, le ponton 4, Agnès … Personne ne sait que je suis en France, il serait si simple d'assouvir, en bon gros bougre bien lâche, cette acide, sordide (et bien inutile) envie de vengeance qui me hante et me taraude depuis deux ans ? trois ans maintenant ... Je sais que j'ai laissé, là, une part de mon âme, de ma confiance en moi, de ma capacité d'aimer … Mes fantasmes ne tournent pas autours d'une violence physique, non, non, pas mon genre, je ne suis pas un « sanglant » …  Mais de fantasmer de pisser dans son réservoir d'eau, ou de chier dans son cockpit, ou de défoncer son petit bateau à grands coups de hache ou de résiner sa voiture de 1000 capotes, pleines … Fantasmes mille fois cauchemardés ! Iniquités, elle ne mérite pas que je me salisse à ce point là, pour une pauvre petite cochonne berrichonne. Mais pourquoi cette odieuse (et si courte) histoire de fesses m'a t 'elle brulé le cœur à ce point là, je ne comprends toujours pas ...  Il n'est pas question d'amour, juste cette colère, sourde, profonde, constante dont je m'enivre à devenir dingue.
J'enfile la bretelle d'autoroute vers Paris sans passer par La Rochelle centre.
Ainsi va ma pauvre vie, nécrosée, névrosée, jalouse et redondante ... 
J'aurais voulu ne jamais la connaître ...

Puis un autre matin, un vrai miracle, un coup de bol, pour une fois … 
Un bonne « Dame machine » de Pôle emplois à « revisité » mon dossier. 
Faute de m'être présenté à une de leurs convocations, ils m'avaient « coupé les vivres » le mois même de mon départ de France. Mais là, ils estiment qu'ils me doivent encore deux mois d'indemnisations à taux plein. 2400 euros qui tombent du ciel … Les carottes sont cuites, je répète les carottes sont cuites … Un miracle vous dis-je …
J'ai également « droit » au RSA (le RMI des temps moderne). Ils me verseront trois mois d'un coup, puis pour je ne sais quelle erreur de procédure, défaut de pointage disent t'ils, me ils viennent de me les reprendre, avec gros frais bancaires bien entendu...
SVP amis lecteurs n'allez pas hurler sous leur toit que je ne suis qu'un sinistre et cynique profiteur. Mon âme s'en charge pour vous, je vous le jure.

Me voici donc à la tête d'une nouvelle « fortune » en cash
Et soudain de me prendre à rêver de « Transat », Caraïbes
L'Atao là bas sort du chantier, repeint, calfaté, tout marche
Et puis ici en France, je sais cette vie qui m'attend, sordide

Dans ma valise je tasse à l'arrache deux focs presque neufs, 
Les instructions nautiques des petites Antilles aux Iles vierges
Un chargeur de batteries, quelques torches Led et un cierge,
Un panneau solaire de cinq watt et mes espoirs, c'est la « Teuf »    

Les trois autres voiles sont parées à être envoyé aux Antilles
Un colis de trente kilos de Paris ce n'est que vingt sept Euros
Continuer ma virée Atlantique, j'ai désormais toutes les billes 
Maintenant ou jamais, l'occasion ne se représentera pas de sitôt

Enchaîner, de suite, c'était la bonne période pour traverser
Et qui vivra verra, peut être trouver du boulot en Martinique
D'autres l'ont fait, pourquoi pas moi, sans trop de rond me lancer 
Mais il y eu ce foutu retour Cap-verdien, malchance chronique

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